Contes de l’âge d’or

Parution du second volume des entretiens de Peter Bogdanovich avec des cinéastes ayant écrit l’histoire d’Hollywood, d’Alfred Hitchcock à Chuck Jones.

Ne tournant plus que sporadiquement -son dernier long métrage de fiction, She’s Funny That Way, remonte à quatre ans déjà-, Peter Bogdanovich fait par contre l’objet d’une intense activité éditoriale. Outre les sorties, sous l’égide de Carlotta, de deux livres inédits ainsi que de deux de ses pépites des années 70, The Last Picture Show et Saint Jack, remastérisés au format DVD/Blu-ray ( lire en page 16), paraît en effet ces jours-ci, chez Capricci, le second volet des Maîtres d’Hollywood, collection d’entretiens menés par ses soins avec des réalisateurs ayant contribué à l’Histoire d’Hollywood.

Considéré à raison comme l’un des auteurs phares du Nouvel Hollywood, Bogdanovich a toujours assumé l’héritage du cinéma hollywoodien classique. Compilé des années 60 aux années 90, ce copieux ouvrage en est l’illustration, qui témoigne tout à la fois d’une cinéphilie gourmande et érudite, et de la passion intacte de ses interlocuteurs. Après Howard Hawks, Raoul Walsh et autre George Cukor dans le premier tome, le générique du second volume aligne les noms d’Alfred Hitchcock, Sidney Lumet ou Otto Preminger, sans oublier divers cinéastes depuis longtemps tombés dans l’oubli, comme Frank Tashlin, l’auteur d’imparables comédies comme The Girl Can’t Help It, ou Joseph H. Lewis, celui de de Gun Crazy.

Contes de l'âge d'or

En quête d’absolution

Si les anecdotes y sont légion -de « l’histoire d’ascenseur » de Hitchcock ouvrant l’ouvrage, à celle voulant que Mel Blanc, la voix de Bugs Bunny dans les dessins animés de Chuck Jones, ait été allergique aux carottes qu’il devait pourtant mâcher sans relâche pour les besoins du rôle-, l’intérêt de l’ouvrage est aussi ailleurs. Et de décortiquer le fonctionnement de l’usine à rêves, comme la méthode de travail des uns et des autres, assortie de leur vision du cinéma. Ainsi de Hitchcock observant: « Le point de vue subjectif, qui met le spectateur à la place du personnage, est, à mes yeux, la forme de cinéma la plus pure. » Ou de Don Siegel se faisant le chantre du réalisme et de la simplicité – « il ne s’agit pas de faire preuve de grande sagesse. C’est juste que je ne sais pas faire autrement. » Soit une leçon de cinéma à la puissance dix -pour Bogdanovich et ses neuf interlocuteurs-, entre la colère d’un Aldrich franc-tireur et la confession d’Edgar Ulmer, le réalisateur de Détour, abonné aux séries B: « King Vidor a fait un film intitulé La Grande Parade. Dans une scène, Renée Adorée enlace la botte de John Gilbert, et s’accroche à lui quand le camion s’en va en direction du front. Cette scène m’a dévasté. Ce sont ces moments qui font que le cinéma vaut la peine. Aujourd’hui, je cherche vraiment l’absolution pour toutes les choses que j’ai dû faire pour l’argent. » Incontournable.

Les Maîtres d’Hollywood 2

De Peter Bogdanovich, éditions Capricci, traduit de l’anglais (États-Unis) par Mathilde Trichet et Charles Villalon, 384 pages.

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