Confessions of a dangerous mind

Sam Rockwell

Sam Rockwell en impose en flic raciste et immature dans Three Billboards Outside Ebbing, Missouri, maîtresse radiographie de l’Amérique profonde…

L’air de rien, voilà une petite trentaine d’années déjà que Sam Rockwell promène sa dégaine dans le cinéma américain, s’étant composé, au fil du temps, un appréciable profil de « character actor ». Entamé sous le signe du cinéma indépendant new-yorkais (Last Exit to Brooklyn d’Uli Edel, Basquiat de Julian Schnabel, Box of Moonlight de Tom DiCillo…), son parcours devait ensuite se diversifier, le comédien laissant parler sa polyvalence. Pas un genre, ou peu s’en faut, auquel il ne se soit essayé, et l’on trouve, dans la petite centaine de titres qui composent sa filmographie, The Green Mile, de Frank Darabont, The Assassination of Jesse James, d’Andrew Dominik, Celebrity, de Woody Allen, Galaxy Quest, de Dean Parisot, Matchstick Men, de Ridley Scott, The Way, Way Back, de Nat Faxon et Jim Rash, et même Iron Man 2 de Jon Favreau. Sans oublier, bien entendu, les deux rôles peut-être les plus marquants de sa carrière, Chuck Barris, l’animateur de télévision au centre de Confessions of a Dangerous Mind, le premier long métrage de George Clooney, et Sam Bell, l’astronaute de Moon, de Duncan Jones.

Un formidable anti-héros

Dixon, le flic raciste qu’il campe aujourd’hui dans Three Billboards Outside Ebbing, Missouri, est sans doute appelé à imprégner l’imaginaire cinéphile de semblable façon. Soit un redneck pur jus, et un rôle en or pour Rockwell, impressionnant comme rarement, et qui réussit à préserver à ce personnage forcené et détestable a priori une part d’innocence presque enfantine -c’est aussi un indécrottable fils à maman-, manière de l’inscrire en faux par rapport aux jugements trop hâtifs… « Le scénario était juste incroyable, souligne-t-il. En découvrant ce rôle, c’est comme si j’avais reçu un magnifique cadeau de Noël… » L’acteur est assurément trop modeste, et le réalisateur Martin McDonagh ne s’y est d’ailleurs pas trompé, le film consacrant leur troisième collaboration après Seven Psychopaths mais aussi la pièce A Behanding in Spokane. « Martin me réserve des personnages bizarres, et donc intéressants. Dixon est, à mes yeux, un formidable anti-héros. » Et comment.

Confessions of a dangerous mind

Afin de lui donner chair, Sam Rockwell est allé puiser à diverses sources. Si Frances McDormand raconte s’être inspirée de John Wayne pour composer son personnage de Mildred Hayes, actant, tout en raideur de circonstance, la filiation western du film, le comédien évoque pour sa part du bout des lèvres au titre de référence le Travis Bickle campé par Robert De Niro dans Taxi Driver. « Mais, précise-t-il aussitôt, si l’on a toujours des inspirations, il ne s’agit pas de n’en apparaître que comme la copie carbone, il faut aussi trouver quelque chose en soi que l’on peut apporter au rôle. » Citant encore quelques films qui ont pu l’aider à s’imprégner de son environnement -« Coal Miner’s Daughter est un super film sur la culture hillbilly, Tender Mercies avec son regard sur la country, Lonesome Dove est excellent, d’autres westerns aussi ou même The Right Stuff, qui en a la philosophie »-, l’acteur s’attarde plutôt sur les rencontres qui ont contribué à façonner son personnage: « J’ai passé pas mal de temps avec des policiers, au Missouri notamment. Ils m’ont embarqué dans leurs patrouilles, et c’était fascinant. Il faut laisser le temps faire son oeuvre: au bout d’un moment, quand on passe du temps avec quelqu’un, il commence à se relâcher. On peut alors discuter. Et puis, ne serait-ce qu’observer la façon dont ces flics marchent et se tiennent, leur façon de parler aussi, était amusant et m’apportait des infos. J’ai aussi beaucoup regardé la série Cops, très bien au demeurant… »

Quant au caractère raciste du personnage, raccord en cela avec l’époque –« Parfois, une période difficile engendre de l’art de qualité », relève-t-il non sans pertinence-, Sam Rockwell l’a travaillé au contact d’un suprématiste blanc repenti: « Il a complètement viré de bord, et aide désormais des gens à sortir de l’engrenage de la haine. Il m’a dit quelque chose de fort intéressant, à savoir: « On ne déteste pas les Noirs, mais bien soi-même, voilà pourquoi tout cela se produit. » Le racisme est motivé, pour une large part, par le dégoût de soi et l’ignorance, bien présents l’un et l’autre aux États-Unis, et qui se traduisent par cette colère… Rencontrer des individus affichant leurs penchants racistes est toujours une expérience intéressante. A fortiori quand, comme moi, on n’a pas du tout grandi dans cet environnement de la Bible Belt, avec une dimension fondamentaliste qui a le don de me faire flipper. Cela ne correspond absolument pas à mon éducation. » À savoir celle d’un enfant de la fin des sixties, né de parents acteurs et ayant grandi entre San Francisco et New York, après que ces derniers se soient séparés. Et qui fera, dès l’âge de dix ans, ses premiers pas devant une caméra -c’était dans Joan Crawford’s Children, une production télévisée-, pour être définitivement rattrapé par le virus de la comédie une dizaine d’années plus tard. Une petite centaine de films plus loin donc –« c’est dingue, il y en a tellement? »-, Rockwell continue à faire son métier avec sérieux sans se prendre pour autant au sérieux. Le genre à s’offrir, au milieu de l’interview, une parenthèse physique où il reproduit, comme à la parade, la chorégraphie d’une mémorable scène de défenestration de Three Billboards. Et qui, alors qu’on lui demande si, comme une bonne partie de la corporation, il aimerait repiquer à un film de super-héros, conclut sur une pirouette: « Peut-être que je serai la prochaine Wonder Woman… »

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