Comment être double

D’ALI SMITH, ÉDITIONS DE L’OLIVIER, TRADUIT DE L’ANGLAIS, 302 PAGES.

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Déroutant! Maître mot qui qualifie ce roman à deux voix, celle d’un peintre du Quattrocento, Francesco del Cossa, et celle d’une adolescente anglo-saxonne d’aujourd’hui. Les deux parties de l’oeuvre peuvent se lire indifféremment selon que vous utilisiez l’ordre chronologique ou l’ordre méthodique. Francesco et Georgia posent un regard critique sur leur siècle. Ils sont proches à 600 ans d’intervalle: tous deux ont perdu leur mère très jeunes et ont des difficultés à faire leur deuil. De plus, l’un et l’autre revêtent une ambiguïté sexuelle; en effet, Francesco était une jeune fille métamorphosée en garçon afin de pouvoir poursuivre le travail de son père sur les chantiers. Quant à la mère de Georgia, elle l’a toujours appelée George. D’ailleurs, l’adolescente est fascinée par le visage androgyne de Saint Vincent Ferrier, un tableau de Francesco exposé à la National Gallery de Londres. Mais pendant qu’elle admire cette toile, elle ignore que le fantôme de Francesco l’observe. Outre la chronologie brisée du récit, le lecteur est éconduit par une ponctuation parfois anarchique, l’insertion de poèmes, la mise en abîme « observer et être observée » et jubile face aux jeux de mots et perles sur lesquels la traductrice a dû buter afin de leur rendre leur âme. Roman dichotomique où des souliers à la poulaine rencontrent des baskets.

M-D.R.

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