DE HAL ASHBY, 1978

C’est l’une des plus belles fins du cinéma américain. D’abord parce que la chanson qui accompagne la désillusion des protagonistes, le Once I Was de Tim Buckley, est le genre de folk épique apte à faire pleurer le sable. Californie, 1968, Luke Martin (Jon Voight), revenu du Vietnam paraplégique, déballe son speech anti-guerre à des lycéens impressionnés. En montage parallèle, le capitaine des marines Bob Hyde (Bruce Dern), de retour d’enfer flanqué d’un sérieux stress post-traumatique, s’immerge à poil dans l’océan, aimanté par le large. La vedette féminine du film, Sally (Jane Fonda), est la femme du second et la maîtresse du premier. Lorsque le mari, Bob, est parti quelques mois auparavant pour Saïgon, avec des idées de gloire toute cuite pour cimenter sa carrière militaire, Sally s’en est trouvée seule et désemparée. La rencontre avec Luke, confiné en chaise roulante, bouleverse sa vision de bourgeoise américaine patriote, peu affranchie du sens viscéral du conflit. Sally et Luke, bien sûr, deviennent amants et trouvent une sorte de rédemption mutuelle dans leur commun charnel. Le film d’Hal Ashby (1929-1988) est sans doute plus remuant que le résumé fait ici, d’abord parce qu’il arrive trois ans à peine après la fin officielle de la Guerre du Vietnam, le 30 avril 1975. Attestant de la réactivité de la fiction américaine, de sa capacité à traiter presque en temps réel l’Histoire de son pays, y compris ses épisodes les plus nauséeux. Jane Fonda n’est pas seulement l’incarnation cinématographique d’une femme tiraillée entre deux hommes, deux visions du devoir, elle est aussi l’initiatrice du film. Via sa compagnie IPC (Indochina Peace Campaign… ), Fonda va travailler pendant six ans sur de multiples versions d’un script dont le point de départ est de raconter les conséquences de la guerre, vues par une femme de militaire. Coming Home rapportera 32 millions de dollars au box-office -dix fois la mise de départ- et Fonda comme Voight décrocheront un Academy Awarddu Meilleur acteur. Le cinéma comme miroir: Voight et Fonda ont longtemps été militants anti-guerre, se sont même rencontrés dans ce mouvement contestataire qui draine l’Amérique déchirée depuis les années 60. Plus troublant: dans sa volonté de s’opposer publiquement à l’intervention US dans la péninsule indochinoise, Fonda pose un acte retentissant en juillet 1972 en séjournant au Nord Vietnam, ennemi suprême de l’Amérique. La star à petite cuillère d’argent -fille de la légende hollywoodienne Henry Fonda- commet un geste que beaucoup considèreront comme une trahison impardonnable. « Hanoi Jane »y survivra, doublera une ambitieuse carrière cinéma d’un parcours de prof de fitness en vidéo -17 millions de VHS vendues dans les années 80/90- et de multiples engagements féministes. Dont un support récurrent au V-Day,mouvement contre la violence faite aux femmes, inspiré des Monologues du vagin, initialement un show à succès d’Off Broadway en 1996. Jane? Toujours entre activisme et spectacle.

PH.C.

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