BILLIONS, NOUVEAU FLEURON BURNÉ DE LA CHAÎNE CÂBLÉE SHOWTIME, A TROUVÉ SON PUBLIC OUTRE-ATLANTIQUE. FACE À PAUL GIAMATTI, DAMIAN LEWIS, LE SERGENT « RETOURNÉ » DE LA SÉRIE HOMELAND, Y CAMPE UN ROI DE LA FINANCE À L’APPÉTIT SAUVAGE.

« J’aime côtoyer de vraies gens, récolter des expériences, des anecdotes, pour nourrir mes rôles. Dans le cas de la série Billions, où j’incarne un gestionnaire de fonds spéculatifs aux dents longues, j’ai pas mal discuté avec de réels acteurs du secteur, dont certains se sont grassement enrichis suite à la crise des subprimes en 2008. Comme John Paulson, par exemple, qui a été le premier à parier contre le marché dès 2007, réalisant ainsi le plus gros profit de l’histoire des transactions financières. Ceci étant, il arrive un moment où, en tant que comédien, il s’agit de bien différencier la réalité de la fiction: vous pouvez piquer de petites choses très spécifiques chez ces gens -une attitude, des expressions, une certaine élocution…- mais il vous appartient surtout de créer un vrai personnage, qui se doit d’être plus que la simple somme de ces emprunts. » Et le rouquin à la bouche extra small (1) de la série Homeland d’ajouter aussitôt: « Il faut également pouvoir se méfier de ces traders capables d’une impassibilité analytique et critique assez remarquable, parce qu’ils savent que leur image n’est pas exactement au beau fixe auprès de l’opinion publique (sourire). Et il arrive que l’on perçoive dans des détails leur évident souci de se présenter sous leur meilleur jour. »

Où l’on comprend deux choses: le gars Damian 1) ne semble pas du genre à rechigner à la tâche 2) en a dans la caboche. S’agissant de ce Bobby Axelrod qu’il incarne dans Billions, Lewis, Londonien de 45 ans, préfère du coup miser sur « une présence fauve, quasi animale. La série fonctionne comme un combat de gladiateurs, guidé par une logique de surenchère dans la confrontation. Avec Paul Giamatti, nous sommes un peu comme George Foreman et Mohamed Ali. Le monde de la haute finance new-yorkaise tenant lieu de ring. C’est de l’entertainment en technicolor, hyper stylisé, et qui en a dans le pantalon.  »

Baignant dans une trouble ambivalence morale,ce House of Cards boursieravance en effet ses pions comme autant de prédateurs dégénérés aux appétits carnassiers, monstres d’ego et de manipulation avides d’un pouvoir fétichisé jusque dans ses travers les plus déshumanisants. En résulte un divertissement parfois jubilatoire, à l’outrance aussi assumée que sa vulgarité crasse, dont la quête de la formule tranchante gonflée à la testostérone culmine dans des dialogues bouffons largement sur-écrits -« Les courtiers ont les lèvres plus pendantes que celles de ma femme après son deuxième enfant » ou encore « On doit être plus purs que la Vierge Marie avant ses premières règles« . Inévitable cabotinage d’acteurs à la clé, le procureur fédéral Rhoades (Giamatti) et le golden boy Axelrod (Lewis, donc) s’y livrant une guerre de l’ombre où tous les coups sont permis, surtout les plus grimaçants.

Bond en avant

Bientôt à l’affiche de Our Kind of Traitor, nouvelle adaptation ciné de John le Carré, celui que les rumeurs désignaient encore il y a peu comme le possible remplaçant de Daniel Craig dans le costume de James Bond fait de régulières incursions sur grand écran, mais c’est bien autour de la télévision que se noyaute son parcours depuis plus de quinze ans. Avec Band of Brothers, la minisérie de guerre du tandem Hanks-Spielberg, en guise de premier jalon majeur. « Aux Etats-Unis, quand vous parlez avec l’accent anglais, les gens sont déjà enclins à penser que vous êtes plus intelligent que vous ne l’êtes réellement, s’amuse Lewis. Mais sachant que j’ai fait mes classes au théâtre, à la Royal Shakespeare Company, je peux vous dire qu’à peine débarqué là-bas, ils m’ont tout de suite pris pour un petit génie (sourire). Plus sérieusement, j’ai dû bosser d’arrache-pied sur mon accent pour jouer dans Band of Brothers à l’époque. Avec pour résultante que l’on a vraiment cru que j’étais américain dans la foulée de la diffusion de la série. Les portes de l’industrie m’étaient dès lors grandes ouvertes, et je n’ai cessé de travailler depuis. »

Suivront, aux Etats-Unis toujours, Life, puis Homeland bien sûr, Emmy Award et Golden Globe à la clé, mais aussi l’anglaise Wolf Hall, où il joue Henri VIII. Et aujourd’hui Billions donc. « Il ne s’agit bien sûr en aucun cas d’investiguer de manière réaliste dans les arcanes des milieux boursiers. Mais derrière le spectacle haut en couleur, la série n’en travaille pas moins des thèmes très actuels: le rôle de l’Etat, les limites du libéralisme… La question posée en filigrane étant la suivante: jusqu’où êtes-vous prêt à aller pour satisfaire votre ambition? »

BILLIONS. UNE SÉRIE SHOWTIME CRÉÉE PAR BRIAN KOPPELMAN, DAVID LEVIEN ET ANDREW ROSS SORKIN. AVEC PAUL GIAMATTI, DAMIAN LEWIS, MAGGIE SIFF.

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(1) VOIR À CET ÉGARD LA POILANTE PARODIE DU SATURDAY NIGHT LIVE, AVEC ANNE HATHAWAY EN CARRIE MATHISON NÉVROSÉE ET GEIGNARDE (MOTS-CLÉS YOUTUBE: HOMELAND SNL PARODY).

RENCONTRE Nicolas Clément, À Londres

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