Clés noires

Raccord à son titre primaire, le nouveau Black Keys tourne avec obsession autour de la matrice simplifiée du pop-rock seventies pour un résultat fruité.

« Let’s Rock »

Il y a deux ans, Dan Auerbach produisait un second album solo dans son studio perso de Nashville en compagnie de sessionmen locaux: loin de son premier essai, il s’agissait d’un juke-pop vintage imprégné de la ville du Tennessee et de ses idiomes country-folk-soul. Auerbach, principale force motrice musicale des Black Keys? Oui, même si la fameuse fusion du duo est comme celle de Don Quichotte avec Sancho Panza, elle se forme selon une chimie très particulière qui ne dégage pas toujours la même hiérarchie obligatoire. Sachant que le Sancho des Keys est ce grand échalas de Patrick Carney, batteur, chargé ici avec Auerbach de partager le boulot de production. À noter que ce premier album des BK en cinq ans n’est sans doute pas étranger au fait qu’aucun des projets persos d’Auerbach -solo, The Arcs- ou de Carney -The Rentals, Drummer- n’a eu de réel succès commercial. Ce retour d’un des duos les plus fameux du rock 2.0 se fait donc en configuration minimale: pas de Danger Mouse ni d’instrumentistes extérieurs pour épaissir ou éclater la formule, comme sur le précédent Turn Blue de 2014 . Juste les deux compères dans le studio d’Auerbach à Nashville -ville où Carney réside et possède également son propre dispositif d’enregistrement- et la présence remarquée de deux chanteuses aux backing, Leisa Hans et Ashley Wilcoxson.

Clés noires

Choeurs nuageux

Un mot d’ordre: pas de clavier mais un maximum de guitare électrique rageuse, gourmande, bouffeuse d’énergie. Celle-ci semble tout droit sortie des seventies et s’apparente pas mal à ce qu’Auerbach a réalisé sur son second album solo: ramener une forme d’innocence épanouie dans le medium contemporain. Si la guitare est omniprésente, y compris dans l’intro héroïque de Tell Me Lies, son mordant acide et quasi-virtuose -Dan en touche plus d’une- draine quelque chose de ludique et d’aérien. Une jouissance qui, par exemple, désamorce la curieuse photo de pochette, une chaise électrique détourée en rose. Et s’accorde parfaitement à la voix noyée de réverb du même Auerbach, épaulé par les choeurs nuageux des deux filles susmentionnées. Ces qualités donnent l’impression d’écouter un vieux Stealers Wheel ( Sit Around and Miss You), le fantôme accéléré de Mungo Jerry ( Go), celui de Roy Orbison ( Fire Walk with Me) ou un riff bombastique à la Free ( Under the Gun). Mais sur l’ensemble des douze titres, on pense immanquablement à une résurgence de… T.Rex. C’est d’autant plus frappant dans Eagle Birds ou Get Yourself Together que les mélodies de l’album sont insidieuses jusqu’à en être délicieuses. Ce qui, globalement, plaira aux nostalgico-mélancoliques, aux fans de pop intemporelle mais nettement moins aux amateurs du blues rauque des Keys.

The Black Keys

Rock Distribué par Warner Music.

7

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