UNE FRANCO-AMÉRICAINE GRANDIT DANS L’ÉTAT DE NEW YORK ET LANCE UN GROUPE PUNKY AVANT D’EXPLORER DES RACINES MONDIALISTES. MAÏA VIDAL ET SON TROISIÈME ALBUM SE PRÉSENTENT.

Un moment, on a eu un peu peur du « syndrome Soko », ou la post-ado adepte de teinture capillaire qui foutrait le camp de l’interview pour des raisons futiles(1). Non, c’est juste les bouts de cheveux roses qui font cela: malgré quelques modestes fourches dans l’usage de la langue française, un rien JCVD, Maïa Vidal, 27 ans, est articulée et de bonne composition. Visant un petit côté Moulin Rouge avoué lorsqu’elle pose sur le canapé carmin très brothel de l’hôtel bruxellois de l’interview. « Oui, j’ai toujours eu le goût des déguisements: j’adorais les fringues, le rouge à lèvres et je chantais tout le temps. On le voit et on l’entend sur les vidéos de moi gamine: à tel point que mes parents avaient fini par imposer des règles pour interdire le chant lorsqu’on était à table ou qu’on jouait aux cartes. » L’histoire familiale sonne comme un gentil mélo: le père, « un peu artiste, un peu cinéaste, un peu photographe » rencontre dans sa ville natale de Montpellier les no wavers de The Lounge Lizards, où le guitariste Marc Ribot épanouit ses gammes. « Ribot a proposé à mon père de venir à New York et il y est allé. » Après, c’est un peu la saga du déménagement US. Papa Vidal rencontre une Américano-Japonaise et la famille se retrouve à Santa Barbara, Californie, avant de filer vers l’Etat de New York et Ithaca, petite ville à mi-chemin de NYC et de la frontière canadienne. « Au lycée, j’étais raide de Rancid, groupe punk californien, et avec deux autres filles de mon âge -quinze, seize ans- on a fondé un groupe qui jouait leurs chansons et les nôtres, dont un titre en français. Quand tu es une fille, plutôt mignonne, tu dois être encore quatre fois plus punk que les mecs. » Tâche ardue quand les parents Vidal, cools, conduisent eux-mêmes leur progéniture aux concerts… Après une expérience hors-norme (les girls sont embauchées dans une grosse pub Coca-Cola) et même une tournée avec Bad Religion, Maïa se tire à Montréal pour des études d’art.

Lutter contre l’évidence

Tout cela préside au grand mix qui suit: reprendre les chansons de Rancid seule à l’accordéon comme aux Francos de Spa en 2012 et signer sur le label bruxellois Crammed Discs, dont Maïa adore le catalogue, surtout les musiques migratoiresdu Taraf de Haïdouks. Sans doute pour le sentiment de ne jamais composer sur place qui préside au troisième album, You’re the Waves, sorti à l’automne. « Il a été pas mal fabriqué sur Garage Band, en voiture, en avion, sur iPhone même, avec la possibilité d’attraper la chanson quand elle se présente. Des moyens qui ont sans doute influencé le côté électro. » Comme pour les deux précédents, Maïa a bouclé ce disque-ci à Barcelone, principal point d’ancrage depuis six ans -« avec aussi des séjours à New York et Paris »- affaire à la fois sentimentale et de bon sens économique. « La famille de mon père est à moitié espagnole et puis j’avais vu L’Auberge espagnole. J’étais supposée rester trois mois et j’y suis toujours: quand j’ai débarqué en 2009, la crise était beaucoup plus présente. Aujourd’hui, tout le monde a des colocs et je ne sais même pas ce que font comme day jobs les artistes que je rencontre. Là-bas, t’as un vélo et un studio, et tu crées ton art. La ville est bien moins chère que Paris et New York, donc plus fertile, et sujette aux collaborations. Il y a de l’espace et pas la nécessité de tout rentabiliser. Low pressure. » Après le deuxième album Spaces en 2013 où Maïa s’avouait « inquiète, parano, anxieuse de tout », elle a décidé ce coup-ci de construire une bulle qui « un peu comme le karma, te renvoie à tes propres émotions. J’étais très inquiète de ne pas faire partie des gens qui sauvent le monde, mais là, j’ai pris le parti de privilégier les bonnes vibrations (sourire), de penser que si je faisais des chansons tristes, c’est aussi ce que je devrais présenter sur scène tous les soirs. Je me protège d’une vraie réalité par un vocabulaire sonore atmosphérique, qui permet de fondre les morceaux dans les vagues, plutôt que de lutter contre elles. Un truc amniotique, oui. » Pour cela, Maïa n’a fait aucun plan de style et a suivi une écriture « décomplexée ». A demi-mots, elle avoue que les conversations avec la maison de disques n’échappent pas aux lois du marché international -restreint et peu audacieux- mais qu’elle en tire la fierté perso de « toujours lutter contre l’évidence dans sa musique. De ne jamais me censurer et de suivre la règle selon laquelle il n’y a pas de règles ». Sur scène, bientôt au Bota, Maïa aux claviers, autoharpe et bien sûr voix, passe les frontières avec deux musiciens, Italiens de Barcelone, aux percus, basse et pistes électros. « Avant, je me demandais toujours à quoi pouvait bien servir la serviette qu’on me donnait pour la scène. Mais là, je me suis mise à transpirer… »

(1) HTTP://FOCUS.LEVIF.BE/CULTURE/MUSIQUE/SOKO-CA-VA-ME-SAOULER-ET-JE-VAIS-PARTIR-HEIN/ARTICLE-NORMAL-388945.HTML

EN CONCERT LE 10/11 AU BOTANIQUE, WWW.BOTANIQUE.BE

RENCONTRE Philippe Cornet

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