Chris Marker par Costa-Gavras

Chris Marker, Autoportrait au Rolleiflex, circa 1960. © CHRIS MARKER-COLLECTION CINÉMATHÈQUE FRANÇAISE

Entre Chris Marker et Costa-Gavras, il y a eu 50 ans d’une amitié sans nuages, les deux hommes s’étant rencontrés au début des années 60 lorsque, assistant-réalisateur sur un court métrage, le futur auteur de Z fut invité à contacter l’artiste-voyageur:  » On savait qu’il avait rapporté d’Amérique un robot de La Planète interdite, le petit robot qui fabriquait tout. Il n’y en avait pas d’autre en France, je suis donc allé le voir et il me l’a prêté. Chris avait des collections de toutes sortes…« , raconte Gavras. De professionnelle, la relation se fait bientôt complice, quand ils se retrouvent chez leurs amis communs, les Montand-Signoret:  » Ce qui nous a rapprochés, c’est d’abord le cinéma, mais aussi la curiosité: rencontrer un Grec et lui parler de la crise hellène de l’époque, de la guerre civile, des exécutions par les tribunaux militaires l’intéressaient. Il s’était engagé en diverses occasions contre ces exécutions -voilà comment ça a commencé. Et puis, à mesure que je faisais des films, nous sommes devenus plus proches. » La petite bande étant pratiquement devenue famille, c’est quasi naturellement que Marker sera associé à L’Aveu, le film tourné par Gavras en 1970.  » Il a senti qu’une certaine hostilité commençait à naître autour du projet, et il a voulu en être. C’était un geste amical, mais aussi politique. À titre de plaisanterie, je lui ai proposé d’être l’un des référents, ceux qui menaient les interrogatoires, et il m’a répondu préférer être photographe de plateau. Il a fait des photos magnifiques, et le premier making of. Mais il a quand même accepté de figurer dans le film: à un moment, quand on regarde les prisonniers à travers le judas, c’est son oeil que l’on voit. »

L’engagement politique et l’éthique artistique cohabitent chez Chris Marker, un artiste solitaire qui aura pourtant cultivé le goût de l’aventure collective, l’un des plus grands observateurs et créateurs de son temps aussi, sans jamais pour autant se départir d’une humilité qui l’incitera à s’effacer derrière ses oeuvres.  » Un personnage exemplaire, aussi bien sur le plan artistique que sur celui des relations« , poursuit Costa-Gavras. Qui, s’il ne fallait retenir que l’un des champs d’activité de cet homme multiple, toujours curieux de nouveaux modes d’expression, opterait pour le cinéma:  » C’était un cinéaste, et sa vision du monde s’est faite à travers la caméra. Il en avait toujours une sur lui, ou un appareil photo. L’image était essentielle à ses yeux, la caméra se prolongeant avec ses photos. Tout l’intéressait: j’ai retrouvé une photo de lui que j’ai faite lors d’une manifestation, vraiment à la fin de sa vie. Il est là, par terre, très vieux, tout maigre avec une petite caméra, à filmer les manifestants. Il avait cette philosophie, il était partout. Je ne pense pas qu’il ait des héritiers, mais il laisse un héritage: c’est un phénomène qui traverse le cinéma, il laisse des traces, des envies, et crée sûrement des talents indirec-tement… »

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