Metronomy et les petits plaisirs de la vie
Même reclus dans sa bulle pop, Metronomy n’a pas pu faire abstraction de la pandémie qui a secoué le monde. Sur Small World, il savoure d’autant plus les petits plaisirs et le temps qui passe. Entretien.
Ces dernières années, il est arrivé quelque chose d’inédit à Metronomy: une carrière. Non pas que la formation anglaise n’était pas candidate à un parcours sur la longueur. Que du contraire. Mais au fond, des groupes qui ont émergé à peu près au même moment (en gros, les années 2000), ils ne sont plus si nombreux à encore s’activer (remember les Klaxons?). Voilà donc Joseph Mount, cerveau-moteur de Metronomy et ses potes -Anna Prior (batterie), Oscar Cash (claviers), Olugbenga Adelekan (basse) et Michael Lovett (guitare)-, parés à sortir leur septième (!) album, Small World.
Il arrive après un anniversaire important: les 10 ans de The English Riviera, qui a bénéficié pour l’occasion d’une réédition. Truffé de hits (The Bay, The Look), le disque en question aurait pu devenir un fardeau. Metronomy en a plutôt fait un repère. A fortiori maintenant qu’il a passé le cap de la décennie. « Je ne peux plus prétendre être dans un jeune groupe émergent (sourire), explique Joe Mount. C’est précisément l’un des constats du nouvel album. Je voulais un disque qui se réjouisse de ça. Du fait que l’on a grandi, que l’on est en quelque sorte « installé ». Et qu’il n’y a pas à se sentir en conflit avec tout ça, mais qu’il faut au contraire le savourer. »
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Sans horizon, ni pression
Le temps qui s’écoule n’a pas été le seul « moteur » de Small World. Il y est aussi question du temps qui… s’arrête, ramolli par le virus et le confinement qui ont pu donner le sentiment de vivre la même journée en boucle, pendant des mois. Dans le cas de Metronomy, la Covid a débarqué quelques mois à peine après la sortie de Metronomy Forever. Après quelques dates aux États-Unis, la tournée est stoppée net. Joe Mount se retrouve chez lui, dans la campagne anglaise du Kent. « J’étais en famille, à profiter de toutes des choses dont je n’avais jamais vraiment eu l’occasion de profiter. Pendant neuf mois, j’ai pris mes trois repas par jour en famille! Incroyable! Cela ne m’arrivera probablement plus jamais. J’ai aimé ça. D’un autre côté, je réfléchissais en permanence à ce qui allait m’arriver si je tombais malade, à ce que cela pouvait impliquer pour mon job. Et puis vous êtes aussi inquiets pour vos parents, etc. Donc ce sont des sentiments très mélangés. Ce qu’essaie de reproduire un peu l’album. »
Les premiers mois de la pandémie, Joe Mount ne touche à aucun instrument. Par manque d’inspiration? Pas vraiment. « Je devais juste accepter que le cycle de Metronomy Forever était fini et que je devais passer à la suite. » À la fin de l’été, il relance la machine. Sans horizon clair, mais sans pression non plus. Avant Noël, deux premières chansons sont enregistrées. « Elles ont été tellement faciles à faire que j’ai réalisé que c’était peut-être un bon moment pour composer. Qu’il y avait éventuellement des choses à retirer de cette expérience. » Comme l’opportunité de sortir d’une certaine routine. Si la musique a pu servir de prétexte pour échapper à une vie métro-boulot-dodo, que se passe-t-il quand elle devient elle-même un carcan, rythmé par le studio-promo-tournée? « C’est vrai, ce moment a été un peu l’occasion de réajuster cela. L’autre jour, je lisais que le chanteur de Black Country, New Road avait décidé de quitter le groupe. Je l’interprète comme une manière de reprendre le contrôle, de la part de quelqu’un qui sent sa vie lui échapper. C’est quelque chose auquel les musiciens font souvent face. Le truc brillant du lockdown, c’est que cela vous a forcé à l’arrêt, à prendre quasi deux années off. Je n’aurais sans doute jamais osé le faire par moi-même. »
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Small World démarre ainsi avec le titre Life and Death, sur lequel Joe Mount philosophe notamment: « It was fun what I did/got a job, had some kids/See you in the abyss« . Manière sibylline s’il en est de résumer une vie. « C’est le dernier morceau que l’on a enregistré. Tout avait été très fluide. J’étais un peu sur mon petit nuage. En même temps, c’était difficile d’ignorer complètement les raisons pour lesquelles on a reçu tout ce temps -les mêmes qui ont causé la mort de centaines de milliers de personnes… Je sais bien que je ne suis pas le plus doué pour livrer des commentaires sur les événements du monde (rires). Mais dans ce cas-ci, c’était difficile de passer complètement à côté. » Cela ne fait toujours pas de Small World un « disque de pandémie ». Même si celle-ci a permis de décaler le regard, ce septième album reste d’abord et avant tout celui d’un fan de pop. Une musique qui permet à la fois la sincérité et l’ironie (It’s Good to Be Back), l’euphorie ado (Right on Time) et son contrepoint mélancolique (Hold Me Tonight, avec Dana Margolin de Porridge Radio). Avec en prime, chez Metronomy, ce décalage so british, comme quand Joe Mount ose le sifflement sur I Lost My Mind. « Cela faisait partie des cases que je voulais cocher avant la fin de ma carrière. C’est incroyablement difficile de bien siffler! L’autre soir j’étais dans ce restaurant où passait ce morceau de Bob Sinclar, Love Generation. Je me disais: « Waw, c’est toujours tellement bizarre d’entendre une partie sifflée dans une chanson. Ce n’est jamais « normal ». » Même chose quand vous croisez quelqu’un dans la rue en train de siffloter. C’est horrible, vous avez juste envie de lui demander de la fermer (rires). »
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Avec Small World, Metronomy poursuit donc sa quête. Sans rien perdre de sa légèreté. Mais en y ajoutant peut-être de nouvelles nuances? En fin de discussion, on demande encore à Joe Mount si, en ayant dû le mettre pendant plusieurs mois entre parenthèses, il voit aujourd’hui son boulot de musicien différemment? « Non, je ne crois pas. Il consiste toujours à divertir les gens. Mais la manière de le faire évolue. Je crois que je veux rendre le propos peut-être plus personnel. Mon but est que Metronomy continue aussi longtemps que possible. Et j’ai l’impression que pour y arriver, je dois ajouter une couche supplémentaire… »
Small World, distribué par Virgin. ***(*)
En concert le 03/04 à l’Ancienne Belgique à Bruxelles (Ancienne Belgique).
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