Chercheur d’or

© © MASSAO MASCARO
Michel Verlinden
Michel Verlinden Journaliste

À 26 ANS, MASSAO MASCARO VIENT DE REMPORTER LE MONOGRAPHY SERIES AWARD, ET TRANSFORME LE PLOMB DU QUOTIDIEN EN PÉPITE VISUELLE.

Jardin

MASSAO MASCARO, BOZAR, 23 RUE RAVENSTEIN, À 1000 BRUXELLES. JUSQU’AU 08/01.

8

A l’heure de l’image pliée aux impératifs de la communication, on ne dira jamais assez combien il est doux pour le regard d’aborder des rivages incertains et peu spectaculaires. Les photos de Massao Mascaro sont cet arrière-pays tendre dont on fait souvent le rêve pénétrant, loin des coups de force. Cette sensation de rentrer chez soi après un long voyage. Cette joie d’assister à un commencement, à cet endroit précis où une trame se noue. Le bonheur « ataraxique » de flotter au fil d’une narration minuscule. Un cliché en particulier incarne la fulgurance dont fait preuve ce jeune photographe né à Lille et installé à Bruxelles. L’image toute entière est quadrillée par la trame métallique d’un grillage. Cette frontière inconfortable laisse entrevoir un arrière-plan urbain structuré par les habituels jalons: bandes de circulation, passage pour piéton, tours de bétons, nature en sursis… On devine les bruits frais du jour. Sur la clôture, une brindille s’est enchevêtrée. Coupé de ses racines, le fin végétal donne encore le change à la faveur de feuilles vaillantes. A y regarder de près, il n’est pas seul, d’autres branches ténues se découvrent dans le bas de l’image. Leur destin n’est pas enviable, il est celui d’une irrémédiable chute. Pourtant, nul mensonge dans le titre, cette composition est bien un jardin, éphémère et broyé certes, mais un jardin qui réjouit l’oeil qui sait le voir. Un jardin qui s’offre une temporalité inédite sous l’objectif. Tout l’art de Mascaro est condensé dans cette scène immobile qui évoque une sorte de Parti pris des choses visuel. Comme Francis Ponge, le photographe gomme, en les tamisant, les strates de la banalité qui nous empêchent de contacter la richesse du réel.

Pas vu, pas pris

Ce plastique transparent soulevé par le vent auquel une ombre confère un poids existentiel inattendu. Ces cailloux qui parsèment une grille d’égout défoncée à la manière d’une étrange partition. Ce bras qui tombe par-dessus la tête d’un dormeur. Ce tronc tacheté… Le constat est atterrant: si le réel nous avait offert les prises de vue de Mascaro, il y a fort à parier que nous ne nous serions même pas retournés. Pourtant, ce n’est rien moins que la vibration du vivant qui se joue dans ces tensions et équilibres précaires. Ces agencements résultent d’une économie de moyens -contrainte par le choix du noir et blanc ainsi que par la verticalité- qui vaut toutes les constructions du monde. Bien sûr, cette grammaire ne vient pas de nulle part. Avec beaucoup d’humilité, le jeune talent consacre une vitrine à ceux qui l’ont marqué: Hugues de Wurstemberger, Michel Vanden Eeckhout et, surtout, Federico Clavarino, professeur charismatique que l’intéressé a suivi jusqu’à Madrid. Touché par Jardin? On conseille de prolonger la visite par une autre exposition, programmée jusqu’en février, dans un lieu d’accompagnement pour la création, L’L à Ixelles. On y découvre Ramo, une autre série sur les origines familiales de Mascaro. Cette odyssée en terre sauvage, la Calabre, fait écho aux compositions urbaines de la série présentée à Bozar. Celles-ci se comprennent comme des tentatives, pas désespérées du tout, de trouver des édens au coin de la rue. Ce qui rend la démarche plus émouvante encore.

WWW.BOZAR.BE

MICHEL VERLINDEN

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content