Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

LE FUNK SENSITIF DE CHARLES PASI MIXE LE SPLEEN CHARMEUR DE PAOLO CONTE RENCONTRANT JONATHAN RICHMAN, LUCIO DALLA ET ROBERT PALMER SEVENTIES. GENRE.

Charles Pasi

« Sometimes Awake »

DISTRIBUÉ PAR PIAS.

8

Tombe à point dans l’oreille, celui-là. Peut-être à cause de l’été qui encourage l’exhibition des méninges et la décontraction du bulbe. Mais au-delà des sensations sablonneuses de plage déserte et de coup de rein océanique l’après-midi, pourquoi c’est si bien? Peut-être par pure vanne nostalgique, parce que le toutim sonore fait remonter à la surface des chansons de nombreuses sensations de madeleine, la seule et proustienne. Sur ce qui constitue déjà un troisième album -les deux premiers ayant coulé discrètement-, on entend l’écho de quelques artistes, sinon morts, tout au moins aspirés au rayon des souvenirs par le Hoover des musiques populaires. Certainement Robert Palmer, pour les tentations funky 70, frotti-frotta qui cadence scientifiquement le rythme, volontiers caraïbe et turquoise, comme sur Too Many Friends ou Lazy Lady. Un reggae qui ne dit pas son nom, pas plus Jah que ganja, vaguement FMisé, sans que, là non plus, cela fasse de l’ombre à son interprète. Comme pour les autres références accréditées ou non -Paolo Conte, Jonathan Richman, Lucio Dalla, Jack Johnson-, il n’est jamais question d’inspirations pompées à la pile, mais plutôt du cousin de province qui en réécrivant des influences entendues à travers un mur voisin, crée son propre univers. Qui, contre toute probabilité, s’avère d’abord être d’une intimité agréable et vulnérable.

Fille trop belle

Cette impression de délestage cool suit la voix du « à peine trentenaire » Charles Pasi: sa pointe de larynx vinaigre y encourage des syllabes rauques et un truc -on se répète- né pour la décontraction. Sur plusieurs titres, le Franco-Italien y ajoute son harmonica personnel, souffle qui rappelle les bonnes bronches d’un Stevie Wonder et du chocolat soul américain (Mama Song). L’anglais étant maîtrisé sans effort, l’album sonne naturellement international, ce qui n’arrive pas si souvent du côté hexagonal. D’où nos deux moments préférés du disque, la première plage (A Man I Know) et l’avant-dernière (A Sleeping Scene), duo de ballades perméables. Sur la seconde, il faut juste un piano en accords mineurs et des cordes compréhensives pour que le chant de Pasi mène dans cette zone rare où l’histoire devient la nôtre. Comme si cette « sleeping queen from a painted scene » était cette fille trop belle un jour passée dans notre vie, et qui a décidé de ne pas y rester. Y laissant les parfums d’un moment auquel on a cru et qu’il est vain de regretter, mais qui heurte encore longtemps après.

PHILIPPE CORNET

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content