Chant-contre-chant

Chant-contre-chant: sous cette homonymie familière à l’oreille des cinéphiles se dissimule un petit volume singulier, ne serait-ce déjà que par les circonstances de sa publication. Auteur de cet essai, le sociologue du langage Pierre Sky s’est donné la mort après l’avoir rédigé, annonçant par courrier son suicide à son psychanalyste et lui confiant le soin de faire éditer un texte qu’il avait jusqu’alors toujours échoué à écrire. Il s’y emploie à étudier le concept de chant-contre-chant, défini en ces termes: la superposition « de deux types de voix dans la bande-son d’un film: celle d’un artiste qu’on entend chanter par le biais d’une platine, d’une radio ou d’un juke-box, par exemple, et celle d’un ou de plusieurs personnages reprenant simultanément la même chanson », effet amplificateur à la clé. Une figure moins fréquente qu’il n’y paraît, même si elle traverse toute l’Histoire du cinéma parlant, de La Canzone dell’amore de Gennaro Righelli à Guardians of the Galaxy de James Gunn, l’auteur s’attachant particulièrement à son usage chez Nanni Moretti, dont elle parcourt l’ensemble de la filmographie. Originale, la démarche est aussi vertigineuse, qui éclaire l’oeuvre de l’auteur de Palombella rossa sous des jours divers, qu’elle érige Une chambre en ville de Jacques Demy, et son chant-conte-chant continu, comme « le rêve absolu de Moretti », ou qu’elle établisse combien « le CCC contourne la censure tyrannique qu’applique Moretti aux représentations de sa vie sexuelle ». Soit, assortie d’une discographie de référence (de The Concept de Teenage Fanclub dans Young Adult à Insieme a te non ci sto più de Caterina Caselli dans La Chambre du fils), une étude érudite et foisonnante, venue « réenchanter », l’air de rien, l’oeuvre du cinéaste transalpin, et au-delà…

De Pierre Sky, éditions Marest, 144 pages.

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