Ceux qui ont peur

Dans le cadre d’une thérapie chez Camille à Damas, Sulayma rencontre Nassim, ce jeune homme aux os protubérants qui est écrivain et a peur de la peur. Se noue entre eux une histoire d’amour grevée par le manque d’air quand on vit sous siège, par la mémoire de tout un peuple. Mais il fuit la Syrie, la laissant avec un manuscrit troublant, où la jeune femme reconnaît des fragments d’elle, tout en imaginant une autre qu’elle jalouse. Dans les autres biens qu’il a abandonnés, elle déniche un faire-part de décès préparé pour elle, car il a intimement appris à la connaître et  » la connaissance est la mort« . Elle ne s’est pas encore extraite de ce pays en révolution, est restée auprès de sa mère, qui attend des nouvelles de Fouad, son fils, et bloque sur la page 24 de son livre. Dans Ceux qui ont peur, chacun doit vivre avec un mental qui tremble, avec un sentiment de non-appartenance à l’endroit où il se trouve, déraciné jusque dans les arcanes de son esprit, composant parfois avec l’ennemi jusque dans sa propre famille. On ne sort pas indemne de ce roman perforant, dont certaines images restent tenaces, dont les strates temporelles se mêlent en torsions continues.  » C’est ce jour-là seulement que j’ai compris que l’identité n’est pas un patronyme ou un lieu de naissance, ou encore des parents auxquels on est affilié. C’est une mémoire entière que je ne saurais vous livrer« , écrit Dima Wannous, bousculant jusqu’à la moelle les codes des narrations non fiables, de ces histoires dont des pans entiers sont remodelés par l’angoisse.

De Dima Wannous, éditions Gallimard, traduit de l’arabe (Syrie) par François Zabbal, 224 pages.

8

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content