L’élégance d’Andy Garcia n’a d’égale que sa lucidité. L’acteur américain d’origine cubaine trace son chemin avec classe et sagesse, un éternel cigare au coin de son sourire charmeur.

Voici quelques semaines, on l’a vu gardien de prison et comédien amateur dans l’attachant City Island. Il est aujourd’hui à l’affiche du film collectif New York, I Love You (lire notre critique en page 31), où le réalisateur chinois Jiang Wen l’emmène dans une histoire de pickpockets à l’humour décalé. L’acteur révélé par Brian De Palma dans The Untouchables, consacré par Francis Coppola dans The Godfather: Part III, et célébré par Steven Soderbergh dans Ocean’s Eleven a depuis longtemps tourné le dos à son Cuba natal. A ses dirigeants communistes, en tout cas. Mais pas à ses cigares qu’il affectionne et ne veut qu’originaux de La Havane…

Si vous n’aviez pas réussi comme acteur, quelle autre direction aurait pu prendre votre vie professionnelle?

Celle de la musique, sans la moindre espèce de doute. Mais j’étais résolu à faire mon chemin comme acteur. Même si cela ne fut pas facile, au départ, pour l’immigrant cubain que j’étais… Je suis allé à beaucoup d’auditions, j’ai essuyé pas mal de refus. Quand vous êtes un jeune acteur, vous ne savez pas vraiment à quoi vous attendre en vous rendant à un casting. Et certains des responsables des castings en question manquent parfois de sensibilité. Ils vous font sentir qu’ils aimeraient être ailleurs, que vous n’êtes qu’une personne sans importance, que du premier coup d’£il quand vous passez la porte ils ont déjà la certitude que vous ne ferez pas l’affaire et que tout ça n’est qu’une grande perte de temps. De leur temps! J’ai vécu de ces moments très ingrats, très inconfortables. Je me suis senti à côté de la plaque, diminué, jugé, humilié. Avec le temps, j’ai appris à savoir ce qu’il m’était possible de faire pour contrôler un peu la situation. Mais seulement au terme d’une série de moments pénibles, où je me demandais vraiment ce que j’étais venu faire là…

Avez-vous dû faire face à des préjugés ethniques, à une limitation des rôles envisageables pour vous en raison de vos origines?

Oh oui, et c’était terrible. Un jeune Cubain ne pouvait être qu’un mauvais garçon, membre de quelque gang… Mais bon, de toute façon, un gars comme moi pouvait déjà se considérer très heureux de simplement obtenir une audition! J’en obtenais une ou deux… par an, au début. C’était super frustrant. Je n’allais nulle part, et j’y allais très vite ( rire)…

Quand De Palma vous a pris en considération pour The Untouchables, c’était initialement pour vous y faire jouer un gangster, Frank Nitti, l’homme de main cruel d’Al Capone. Vous avez eu le cran de refuser…

A ce moment-là, j’avais pas mal appris des nombreuses erreurs que j’avais pu faire. J’avais une claire conscience de mes possibilités, et du fait que si on m’appelait, c’était forcément pour une bonne raison. Alors, comme je ne voulais pas jouer un gangster de plus, et que le personnage du flic italo-américain engagé par Eliot Ness m’attirait beaucoup plus, je me suis débrouillé pour l’avoir. Ce n’était pas mon premier emploi significatif. J’avais déjà pu jouer un vrai personnage avec son importance dans l’histoire grâce à Phillip Borsos dans The Mean Season. Cela m’avait valu l’intérêt des télévisions. Mais à l’époque, jouer dans des séries télé revenait à s’exclure de toute possibilité au cinéma. Alors, même si c’était financièrement difficile, j’avais décidé d’attendre, de tenir bon. Et puis est venue l’audition pour 8 Million Ways To Die de Hal Ashby. Ils ne voulaient pas me voir, au début, ils disaient que j’étais un trop brave garçon pour être crédible en caïd du trafic de cocaïne, mais je les ai convaincus. En passant la porte de la salle d’audition, j’étais Angel, arrogant, ironique, macho, dangereux. Ils m’ont donné le rôle le jour même. Et ce rôle a attiré l’attention de Brian De Palma…

Vous jouiez tout de même très gros en refusant le rôle qu’il vous destinait au départ, non?

Oui, mais je sentais que c’était la chose à faire. J’ai déjeuné avec Brian. Il m’a dit que si j’acceptais de jouer Frank Nitti, le tueur, il me prenait d’office. Pour le personnage que je voulais, George Stone, il me faudrait prendre le risque d’auditionner. Je l’ai pris. George Stone, c’était moi! Un fils d’immigré, combattant les préjugés raciaux et voulant faire le bien. Vous connaissez la suite…

Vos filles sont elles aussi comédiennes. Quels conseils leur donnez-vous?

D’être très bien préparées, de bien posséder les principes du métier. D’entrer dans la pièce où l’audition se tient en se disant « C’est mon temps, pas le leur », et de très poliment, très respectueusement, prendre le contrôle de la pièce. Ils sont là pour vous voir, pas l’inverse. Pendant les quelques minutes que vous avez, les lieux doivent être à vous. Et si les gens sont distraits, ne sont pas assez attentifs, débrouillez-vous pour accrocher leur attention. Mais au bout du compte, les conseils que vous pouvez recevoir auront moins d’impact que les « baffes » que vous vous prendrez inévitablement avant de réussir…

L’envie d’être acteur se transmet-elle donc?

Ce n’est pas une envie, pour moi, en tout cas. C’est plutôt un virus. Vous ne le choisissez pas, c’est lui qui vous choisit. Je n’oublierai jamais, tout jeune spectateur, l’entrée de James Coburn dans The Magnificent Seven. Quelque chose me parlait, que je n’identifiais pas encore. C’est là que j’ai chopé le virus! Des années plus tard, j’ai calqué mon entrée dans The Untouchables sur celle de Coburn. Lui avait un couteau, moi un pistolet. Mais c’était pour moi du pareil au même.

Rencontre Louis Danvers

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