VOILÀ 25 ANS, ET UNE QUINZAINE DE FILMS, QUE JEAN-PIERRE DARROUSSIN HABITE LE CINÉMA DE ROBERT GUÉDIGUIAN DE SA PRÉSENCE COMPLICE, À LA VIE À LA MORT!, ET MÊME SOUS LES NEIGES DU KILIMANDJARO…

Entre Robert Guédiguian et Jean-Pierre Darroussin, c’est une vieille histoire déjà, entamée au milieu des années 80, avec Ki Lo Sa?, et prolongée depuis, de film en film -une quinzaine en commun, dont l’acteur ne tient pas le compte exact d’ailleurs, tant il y a là un mouvement presque naturel. « Je sais qu’il y en a 3 que je n’ai pas faits », se borne-t-il à préciser, en préambule à un entretien cannois décontracté. Vérification faite, Les neiges du Kilimandjaro constitue donc leur 14e collaboration, prolongement d’une amitié née bien avant encore, à l’époque où Darroussin avait pour camarade d’école Ariane Ascaride, madame Guédiguian à la ville. « On a beaucoup de choses en commun, presque nos dates de naissance, à un jour près, et une éducation similaire. On s’est connus à l’époque de nos 21, 22 ans, et on discutait pendant des heures. Je suis devenu comédien, il a commencé à écrire des scénarios. Et de même que, à plusieurs, on est plus forts, il y a eu cette idée, pour créer quelque chose et faire du cinéma, de s’appuyer sur des amis. Petit à petit, bon an mal an, cela a fini par faire cette histoire, et cette £uvre, dont Robert est le garant, l’initiateur et l’auteur, et pour laquelle on se met chaque fois avec plaisir en disponibilité. « 

A propos de ce nouvel opus commun, qui n’est pas qu’un film de plus, loin s’en faut, Jean-Pierre Darroussin parle de « petit miracle, quelque chose qu’on ne peut pas trop expliquer: une espèce d’évidence, un sujet qui nous a pris, qui a fait que les choses se sont passées très simplement. Et peut-être une maturité, aussi, entre nous.  » On peut en effet voir Les neiges du Kilimandjaro comme une forme d’aboutissement (provisoire) du cinéma de Robert Guédiguian. Familier par son cadre et sa forme, une chronique de l’Estaque, comme dans sa teneur, le film réussit à en reformuler les enjeux, à l’aune d’un monde changeant.

Solidarité réinventée

Venu le présenter au public cannois, Robert Guédiguian avait insisté sur la nécessité de « réévaluer l’idée de la solidarité chez les pauvres gens », et de « redonner de la valeur à quelque chose dont le cours a baissé », histoire, au passage, de s’inscrire aussi dans la terminologie de l’époque. Volonté qui, à l’écran, trouve une traduction lumineuse, osant une solidarité réinventée, tout en remettant en question les modèles de lutte traditionnels. « C’est aussi l’une des leçons du film, souligne pour sa part Jean-Pierre Darroussin: c’est que dans la lutte sociale, et pour rester soi-même, il faut sans arrêt évoluer. C’est là la contradiction: si on reste figé dans ses croyances, et dans des modèles qui ont marché à un moment donné, on n’est pas fidèle à soi-même, au contraire. On reste jeune en adaptant toujours sa pensée, et en sachant rester fragile par rapport à ce qui se passe. « 

Le questionne-t-on, dans la foulée d’un film généreux en diable, sur la capacité du cinéma à ré-enchanter le monde, qu’il préfère parler d’espoir. « Les seules personnes à qui ce film peut faire de la peine sont celles qui estiment que tout cela est bien beau, mais que cela n’existe pas. Elles se trompent, on en connaît des gens comme ça, le monde n’est pas si atroce. Bien sûr, que cela existe, et bien sûr qu’il y a l’idée que régulièrement, il y a des cycles où les gens se réveillent un peu. Quand on arrive dans des situations qui semblent un peu plus sans issue, on pète le mur. Aucune société ne va droit dans le mur: quand le mur est devant, on le pète et on continue…  »

Causes perdues

De Rien de personnel à De bon matin, les choix de Jean-Pierre Darroussin parlent d’eux-mêmes. On pencherait pour acteur engagé, il s’empresse de relativiser: « Engagé, ce n’est pas forcément être de gauche, il y a des gens de droite qui sont extrêmement engagés. Même des bourgeois qui font un cinéma très conventionnel.  » Lui préfère donc évoquer le fait d’embrasser des causes perdues. Ce qui, tout naturellement, amène la conversation du côté d’Aki Kaurismäki, avec qui il a tourné le formidable Le Havre, attendu sur nos écrans début 2012. « Alors lui, il y a longtemps que la cause est perdue, s’esclaffe-t-il. Il est tellement accroché à une poésie empreinte de nostalgie qu’il en est malin, narquois. Il fait des films qui, même lorsqu’ils sont en couleurs, sont en noir et blanc, et même quand ils se passent dans une époque moderne, se déroulent en 1960.  » Ce qui serait peut-être aussi une façon de ré-enchanter le monde, mais c’est là une autre histoire…

RENCONTRE JEAN-FRANÇOIS PLUIJGERS, À CANNES

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