Carnivale

Comment on fait pour « remettre tous les matins le contact, en priant pour que ça reparte et en priant pour que ça ne reparte pas »? Au bout du rouleau, perdu au bord d’un delta, un narrateur s’échine à boucler la boucle: faire signer le dernier formulaire qui le délivrerait de son contrat d’assureur chez Ponzi, racheter toutes ses dettes, dont celle d’être né… L’affaire est mal engagée. Pour le cabinet de conseil, comme pour toutes les compagnies qui vous possèdent, la graine des affaires, c’est la peau de l’homme: « Chaque histoire est une monnaie d’échange, sur cette pente, et pour finir une monnaie de singe (….) ». S’adressant à Cantaloupe, mystérieuse comptable de la boîte, le narrateur dévide sa bobine de récits, tapisserie monumentale où s’enchevêtrent les souvenirs de contrebande… Dont celle des Imbattables Léopards, musiciens des mauvais quartiers venus donner un concert pour le mariage de la fille Spada, un ponte de la région, une bombe planquée dans leur housse de guitare. Sur des thèmes qui lui sont chers -dont le témoignage de la mémoire-, Nicole Caligaris ( Barnum des ombres) défie son lecteur. S’élève alors l’entreprise vertigineuse du texte, cantique des cantiques sur la condition « d’homme de rang sur les routes les plus merdiques de la courbe », touchant le fond en « tentant de trouver de quoi ». Dépiautant le commerce des hommes, le trafic d’êtres humains, Caligaris occupe le terrain de la langue, ce cyclone, concasse la cohorte de cauchemars que nous trimballons sur l’estomac dans une fascinante et éreintante écriture des gouffres. Et ça bastonne, grave. Comment on fait, putain?

De Nicole Caligaris, éditions Verticales/Gallimard, 392 pages.

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