AVALANT LES RESTES REFROIDIS DE L’E3, LA GAMESCOM SACRAIT LE JEU INDÉ À COLOGNE EN COMPAGNIE DE DÉVELOPPEURS DÉSERTEURS DE BLOCKBUSTERS ET AUTRESCRÉATEURS PARTYHARDERS.

Cheveux longs, barbe fournie, veston en tweed fatigué et lunettes de soleil à monture rose. Evan Greenwood ressemble à Sébastien Tellier. Le genre à planer dans un groupe folk psyché. A la place, le trentenaire hilare balance des high five dans la section business de la GamesCom, plus grand salon du jeu vidéo au monde, après l’E3. La présence du hippie fantasque détonne avec le lieu, peuplé de trois-pièces aux dents blanches échappés d’American Psycho. Dans sa besace, ce créateur gaming pas comme les autres trimballe Broforce, jeu de tir 2D pixélisé et hyper nerveux qui mélange patriotisme idiot, testostérone risible et nanar des années 80/90.

« You Can’t Escape Freedom », scande le jeu où Rambro, Brobocop et autre Brominator sulfatent à tout-va pour libérer tout frère d’armes tombé au combat. Sorti en avril dernier, le titre qui se joue à plusieurs montre un gameplay d’une intelligence rare. Inversement proportionnelle à la bêtise assumée de ses antihéros. « Barack Obama aime la liberté, le basket et les burgers, il est cool. Mais il ne le sera jamais autant que George Bush. En inventant la terreur, ce mec a aussi créé la liberté. On l’oublie trop souvent », lâche tout sourire le bro développeur, interrogé sur ses goûts en matière de chefs d’Etat US.

Ne retrouvant pas son demi-litre de Früh parmi une dizaine d’autres soeurs abandonnées sur leur stand, le Sud-Africain est particulièrement remonté. Pas par manque d’alcool. Mais parce que son jeu joue des muscles au pays des bretzels pour Expandabros, une nouvelle version (gratuite) de Broforce destinée à assurer un tir de couverture marketing (très bien senti) pour Expandables 3, le film. Cet intérêt de Lionsgate pour un titre d’une équipe underground n’est qu’un des nombreux exemples de l’aura grandissante du jeu vidéo indé.

Docteur Maboule

Sur le salon allemand, en marge de blockbusters comme Civilisation V, Evolve, The Crew et Evil Within (nouveau survival horror du père de Resident Evil), d’autres micro studios paradaient ainsi aux côtés de Broforce sous la bannière de Devolver, leur éditeur. Hotline Miami 2: Wrong Number, suite d’un premier volet (déjà) culte répondait à Not A Hero, shooter aux micro pixels hypnotiques. Sans oublier Breach & Clear: DEADline, d’un des piliers créatifs de Command & Conquer. Mais aussi The Talos Principle, casse-tête en vue subjective des créateurs de Serious Sam. A noter que ces deux derniers titres sont développés par des indés vétérans ayant respectivement déserté les bannières d’Electronic Arts et Valve.

La fuite des cerveaux, fatigués d’une industrie où des hémorragies de millions de dollars se multiplient pour des suites sans fond, devrait se poursuivre. D’autant que les success stories indé comme celle d’Henrique Olifiers se multiplient. Le développeur brésilien ouvrait ainsi le coeur de son Surgeon Simulator: Anniversary Edition sur le stand de Sony PlayStation qui comme Microsoft tente de rallier plusieurs indés sous sa cape, sans les aliéner. Sur la table d’opération, ce titre hilarant et gore se pratique à deux. Chaque joueur dirige la main d’un seul chirurgien avec une manette. Les contrôles, volontairement complexes, amenant à la bavure.

« Le premier jour de la sortie du jeu l’année passée, après la gamejam, nous avons eu tellement de téléchargements qu’on pensait à une attaque pirate. Entre-temps, deux millions de vidéos YouTube de gens se filmant à opérer n’importe comment sont sorties de nulle part. Le jeu est aussi drôle à regarder », s’étonne, incrédule, Henrique, patron de Bossa Studio (32 personnes) qui a vendu un million de copies sur PC. « Etre indé n’est pas une question de taille d’équipe, mais bien de liberté de création. Nous ne ferons jamais de suite à Surgeon Simulator, malgré son succès. » Venu pour la première fois d’outre-Atlantique, l’Indie Mega Booth confirmait l’irrépressible magnétisme des indie chez les gamers. Soit un regroupement de 31 petits créateurs parmi lesquels Capy (Sword & Sorcery), studio de Toronto qui y présentait Below, jeu d’exploration oppressant et naturaliste influencé par Zelda Wind Waker et Another World. Sortie? Exclusive, chez Microsoft Xbox.

« Le secteur du jeu indé est déjà saturé sur PC. Les petits créateurs se tournent donc vers les Xbox One, PS4 et Wii U. Combiné avec une nécessaire revitalisation des catalogues de ces derniers, c’est une année clef pour les indés sur consoles »,préciseGuillaume Martin, qui se baladait PC à la main dans les allées du salon pour montrer Season After Fall,un projet de platformer entre Okami et Rayman Origins. Cet ex d’Ubisoft Montpellier ne croit pas si bien dire. Peter Galansher, responsable de l’open worldde The Witcher 3: Wild Hunt (unesuper production médiévale fantastique) demandait ainsi, comme un kid, des autographes aux créateurs d’Endless Legend, jeu de rôle 2D à petit budget qui s’exposait sur l’Indie Mega Booth. Le sortilège ne sera pas brisé de sitôt…

TEXTE Michi-Hiro Tamaï, À Cologne

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