RÉALISÉS AU DÉBUT DES ANNÉES 90, GARÇON D’HONNEUR ET SALÉ SUCRÉ, LES DEUX FILMS QUI ALLAIENT ASSEOIR LA NOTORIÉTÉ D’ANG LEE, SORTENT EN VERSION RESTAURÉE.

Garçon d’honneur

D’ANG LEE. AVEC LUNG SIHUNG, WINSTON CHAO, MITCHELL LICHTENSTEIN. 1993. 1 H 48. ÉD: CARLOTTA. DIST: TWIN PICS.

Salé sucré

D’ANG LEE. AVEC LUNG SIHUNG, YANG KUEI-MEI, WU CHIEN-LIEN. 1994. 2 H 04. ÉD: CARLOTTA. DIST: TWIN PICS.

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On ne saluera jamais assez le travail de Carlotta, éditeur veillant sur le patrimoine cinématographique à grand renfort de rééditions de référence -que l’on songe au travail accompli sur les classiques de Douglas Sirk ou de David Lean, parmi d’autres, ou, s’agissant d’oeuvres plus récentes, le Mean Streets de Martin Scorsese ou le Heaven’s Gate de Michael Cimino. Deux titres d’Ang Lee rejoignent aujourd’hui ce prestigieux catalogue, à savoir Garçon d’honneur (The Wedding Banquet), réalisé en 1993, et Salé sucré (Eat Drink Man Woman), tourné un an plus tard, les films (restaurés pour l’occasion) qui devaient asseoir la réputation du réalisateur taïwanais.

Délicatement euphorisant

Venant après Pushing Hands (dont l’on espère une prochaine parution), Garçon d’honneur et Salé sucré bouclaient une trilogie sur la famille que le cinéaste devait baptiser « Father Knows Best ». Le premier a pour décor New York, où Wei-Tong, un jeune Taïwanais naturalisé américain vit avec son compagnon Simon, relation qu’il a toujours dissimulée à sa mère et son père qui, depuis la lointaine Taipei, s’échinent à lui trouver une épouse. Afin de les contenter, il se résout à organiser un mariage de convenance avec Wei-Wei, sa locataire, en quête d’une carte verte. A peine les noces sont-elles annoncées que ses parents débarquent à Manhattan et avec eux, le début des problèmes. Le choc des cultures et le conflit des générations offrent sa toile de fond à cette comédie de moeurs enlevée où Ang Lee aborde avec finesse le thème de la différence et de l’homosexualité. Le futur réalisateur de Sense and Sensibility impose d’emblée sa marque, affirmant son ambition d’auteur tout en se montrant universel, et le résultat est un concentré de bonheur, récompensé de l’Ours d’or à Berlin.

Un même équilibre souverain préside à Salé sucré, le premier film qu’Ang Lee devait tourner à Taïwan. Soit une oeuvre chorale, embrassant le destin de M. Chu, un chef respecté, et de ses trois filles, la vie de famille étant réglée par les rituels immuables que constituent les repas composés par ses soins. S’insinuant au coeur de leurs relations, Ang Lee mélange les genres avec bonheur, et signe un drame familial sensible et émouvant, qu’il double d’une célébration de l’art culinaire taiwanais, en un cocktail tout simplement irrésistible. Les compléments sont à la hauteur des films -ainsi, notamment, des passionnantes interviews du réalisateur et du producteur et coscénariste James Schamus, qui reviennent longuement sur leur collaboration, ranimant au passage un peu de l’esprit qui régnait à l’époque. Soit un bouquet de saveurs délicatement euphorisant, à déguster sans modération.

JEAN-FRANÇOIS PLUIJGERS

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