BLUR 21: THE BOX, COFFRET MAMMOUTH GAVÉ DE RARETÉS ET D’UNE POIGNÉE DE VÉRITABLES INÉDITS, REVISITE L’OUVRE DU GROUPE BRITANNIQUE LE PLUS AVENTUREUX DES DEUX DERNIÈRES DÉCENNIES. MIAM.

Sept CD studios remastérisés et doublés d’autant de bonus, deux autres doubles gavés de raretés et même de jamais entendu, plus un triple DVD d’images: 21 disques pour 23 heures de musique! On commence modestement par le 45 Tours immergé dans la masse digitale: la face A unique fait d’emblée mentir son glorieux titre, Superman, single de Blur alors qu’il se prénomme encore Seymour, pseudo emprunté à un roman de J.D. Salinger. C’est enregistré live en décembre 1989 dans l’Essex -province supposée cossue où Damon Albarn rencontre Graham Coxon- et c’est dispensable. Le brouhaha est néanmoins rentré dans l’oreille d’un label indépendant, Food Records, alors en vogue avec Jesus Jones: en 1994, la compagnie sera intégralement avalée par EMI, Seymour, entretemps devenu Blur -en 1990- et désormais célèbre, suivra doctement le chemin multinational.

Baggy

On avait oublié que Blur fut baggy, engoncé dans la pop psychotrope de Madchester. Le premier album, Leisure (août 1991), est baigné de ces relents défoncés et malgré le succès du disque, la chose s’oublie aisément. Dès le second essai pourtant, Modern Life Is Rubbish (mai 1993), Blur entreprend une exploration de son intime anglicité. Une désastreuse tournée américaine et la concurrence à domicile de Suede poussent Albarn et co à écrire vertement british, s’inspirant des Kinks et des Small Faces, des Who et des sixties. Refusant la proposition de leur label US d’être remixé par Butch Nirvana Vig. Une bonne idée, même si rayon charts, le disque sera un demi-échec.

News Of The World

L’histoire du groupe, on le sait, change à l’album n°3, Parklife (avril 1994), publié moins d’un an après le précédent: détenteur de tubes ( Parklife, Girls & Boys, End Of A Century), le disque décroche la première place des charts anglais, ce que feront également les quatre suivants. Blur passe brutalement des colonnes du NME à celles du News Of The World, qui lui consacre un cartoon: le succès sous forme de choc, la fête apparaît sans fin. L’inspiration est outre-manchière et vient des écrits de Martin Amis ou du cockney acide de Phil Daniels -acteur du film Quadrophenia inspiré des Who- qui allume Parklife au vinaigre (and chips) londonien . Une génération de pop-fans adoube massivement la bande à Damon, dont la jolie gueule accroche les sunlights des magazines, alors que sa versification textuelle douce-amère le rapproche de Ray Davies . Le triomphe commercial est dupliqué par l’opus suivant, The Great Escape (septembre 1995) et son Country House coiffant le Roll With It d’Oasis dans une compétition orchestrée par la presse. Semi-hooligans madchestés contre art-rockers sudistes, le schisme est atrocement cliché mais il fait vendre.

Disque de la glaciation

Le cinquième album, Blur, paraît en février 1997. Ce disque de la glaciation a été partiellement bouclé en Islande: Death Of A Party, chante Damon qui enterre ainsi les années teenage hystériques, binge drinking garanti, évacuant l’hyper tension du succès via un set de chansons sciées par les atonalités brutales de la guitare de Coxon, sonnant comme un mélange incendié de Robert Fripp et de lui-même. Song 2 impose le cri primal d’un quatuor qui réfute toute dictature esthétique, presque bluesy dans ses vagissements boueux. A partir de là, le mouvement ne cessera de s’amplifier. Sur le merveilleux 13 aux mélodies cataplasmes (mars 1999), irriguées par le gospel, le funk, l’africanité, le producteur William Orbit taille dans les impros pour accoucher d’un engin amniotique aux sursauts barbares, incarnant aussi la rupture sentimentale de Justine Frischmann et d’Albarn, dans le texte ( Tender, No Distance Left To Run).

Think Tank you Graham

Alors que Blur s’apprête à enregistrer Think Tank (mai 2003) dans un riad de Marrakech, Coxon entre en désintox pour alcoolisme aggravé. Ne jouant que sur le formidable Battery In Your Leg, il est ensuite remercié par le groupe qui boucle l’affaire à trois en compagnie des producteurs Ben Hillier et Norman Cook. Gorillaz et l’expérience d’Albarn au Mali ont remodelé un prisme éponge où le spleen consanguin ( Out Of Time) voisine avec la déstructuration funk suprême ( Crazy Beat), captant un feeling sahélien et une autre sorte de poudre ( Brothers And Sisters). S’il n’y avait qu’un chef-d’£uvre bluresque à cocher, c’est bien Think Tank, disque adulte incandescent et estropié magnifique, en route vers la salvation.

La bite d’Elton

Le coffret de 23 heures de musique -dont quatre en images- vaut aussi par son impressionnant quota d' »inédits » , pas moins d’une soixantaine. Le terme -outre une demi-douzaine de titres jamais parus- recouvre divers degrés de raretés: face B, remix 12″, chanson pour fan-club ou pour journée du vinyle (superbe Fool’s Day), version étrangère réenregistrée ( To The End = La comédie avec Françoise Hardy). Si les premiers bonus/dancefloor période Leisure sont un rien grossièrement déclinés des Happy Mondays, les inédits deviennent personnels dès le troisième album, quand il est clair que toute route stylistique imaginable sera désormais explorée. Le fan découvrira donc des sessions jamais entendues avec Andy Partridge, leader monomaniaque d’XTC, faisant sonner Blur un peu trop comme la prolongation de son propre véhicule. Ou alors ce Sir Elton John’s Cock qui, en 84 secondes, démontre la faculté de ces adeptes de la dissonance et du riff ravagé à sonner plus emphatique que le vieil Elton himself. Ce talent caméléon, navetteur nature entre l’indie et le grand public, est unique dans l’histoire de la pop anglaise, Beatles compris. Il fait de Damon le McCartney-Lennon merveilleusement mondialiste des années 1990-2000: le Beatles Paul ayant ouvert les JO de Londres, il n’était pas illogique que la bande à Albarn les clôture le 12 août. À vos postes. l

u BLUR 21: THE BOX, DISTRIBUÉ PAR EMI. lllll

TEXTE PHILIPPE CORNET

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