AVEC SON SINGLE WE ARE YOUNG, LE TRIO AMÉRICAIN FUN. EST EN ROUTE POUR LA GLOIRE. RENCONTRE AVEC LES AUTEURS DU TUBE DE L’ÉTÉ, ENTRE REFRAINS POUR STADE ET NÉVROSES DISSIMULÉES DANS LE SIROP POP.

Impossible de passer à côté. En boucle sur à peu près toutes les radios, We Are Young tient la corde pour devenir le hit de l’été. Aux Etats-Unis, l’affaire est entendue: dopé par un passage dans la série Glee, le morceau a réussi à atteindre le sommet du Billboard -une première en 4 ans pour un titre rangé au rayon indie-pop. Le chorus, emphatique à souhait, neuneu au possible, ne laisse pas beaucoup de choix: « Tonight, we are young/So let’s set the world on fire/We can burn brighter, than the suuuuuun. «  Entre triomphalisme à la Queen et mélodies « camp » à la Mika, le morceau est cependant plus nuancé que l’hymne soi-disant générationnel qu’il a l’air de vouloir entonner. Plus sombre surtout -il est question de potes en train de planer dans les toilettes et d’un amour dont les cicatrices ne semblent pas que métaphoriques. Pop donc, voire cheesy, mais avec une toile de fond moins guillerette qu’il n’y paraît.

Premier single tiré de l’album Some Nights, We Are Young est l’£uvre d’un trio américain baptisé Fun. (point compris). Au générique: Nate Ruess (chant), Jack Antonoff (guitare) et Andrew Dost (claviers). Quand on les rencontre dans un petit hôtel cossu d’Amsterdam, le discours promo oscille entre buddy talk et poses conquérantes. Morceaux choisis. Nate Ruess: « Pour ce projet, je voulais trouver le meilleur guitariste et le meilleur pianiste au monde. Ce que je n’avais pas réalisé, c’est qu’ils étaient aussi ambitieux que moi. On en veut toujours plus. Et c’est une chose de le vouloir, mais après il faut bosser deux fois plus pour y arriver. Or je n’ai pas croisé d’autres groupes qui bossent à ce point pour devenir meilleur. » Andrew Dost: « J’ai toujours eu beaucoup de respect pour ces gars. Avec les années, il n’a même cessé de croître. » Ou encore Nate Ruess à nouveau: « On veut que chaque album soit meilleur que le précédent. Et avec Some Nights je me sens fier comme je ne l’ai jamais été d’un projet précédent. »

Racines punk

Le costard est taillé: Fun., parfait dans le rôle du pop band formaté, standardisé, prêt à bouffer le monde entier, à coups de rengaines bigger than life. Certains détails pourtant ne clopent pas. Le guitariste Jack Antonoff milite par exemple activement pour le mariage homosexuel. Dans Some Nights, Ruess chante: « Tea parties (rassemblement de la droite américaine la plus réac’, ndlr) and Twitter/I’ve never been so bitter. «  Du coup, quand on demande au trio s’il compte voter aux prochaines élections présidentielles, Ruess sourit: « Absolument. Et vous pouvez facilement imaginer à qui iront nos voix… »

Ça ne fait pas de Fun. un groupe politique, loin de là. Mais l’image lisse commence à se craqueler. Bien sûr, Some Nights, produit par Jeff Bhasker (Kanye West, Beyonce…), hurle son envie de réussir et de séduire à chaque couplet. Mais le sirop mélodique n’exclut plus une certaine sincérité. Comme cette pique contre les déballages 2.0 de Twitter et autre Facebook. Ruess: « Je ne comprends pas trop. Twitter, j’y suis pour le business. Mais je ne me vois pas y étendre ma vie perso. Quand j’étais gamin, c’était génial d’écouter le dernier Smashing Pumpkins, de flasher sur une chanson. Je ne saisissais peut-être pas sa signification précise, mais elle m’aidait à survivre au foirage amoureux du moment. Si j’avais appris l’une ou l’autre connerie sur le compte Twitter de Billy Corgan, merde, cela aurait tout ruiné. Genre: Quoi? Il n’est pas censé être aussi désespéré que moi? »

On y arrive. La particularité de Fun., c’est que le groupe n’est plus l’affaire de kids de 20 ans. Tous les trois tournent autour de la trentaine, et ont déjà accumulé pas mal d’expériences. Et de désillusions. Dans All Alright, Nate Ruess chante:  » I’ve given everyone I know/a good reason to go. «  L’intéressé explique: « Hmm, disons que je ne suis pas forcément la personne la plus facile à vivre (sourire). A part eux (il désigne les deux autres membres du groupe, ndlr), je peux probablement compter mes amis sur deux… doigts (rires). Je ne suis pas dans la confrontation. Je préfère juste ne pas être embêté par les autres. D’une certaine manière, je suis égoïste jusqu’à l’absurde. Donc je préfère me réfugier dans mon propre monde. Cela ne doit pas être très gratifiant de m’avoir pour pote. « 

A 16 ans, coincé à Glendale, Arizona, Ruess bossait déjà dans un club punk ( « Quand vous vous sentiez un peu à part, un outsider, c’était le seul endroit où vous pouviez rencontrer des gens comme vous. »). A 19 ans, il forme The Format, qui connaît son petit succès, avant de splitter en 2008, et de former Fun. Ruess:  » C’est très bizarre pour des gens comme nous, au bord des 30 ans, de se retrouver là, à connaître un gros succès. Si vous regardez les statistiques de ceux qui ont cartonné ces 10 dernières années, on est plutôt dans les 21, 22, 23 ans… »

Jack Antonoff:  » On a déjà vécu pas mal de trucs, vu certains aspects très sombres du business musical. Certaines histoires vous donneraient probablement envie de vomir. On aurait pu être dégoûtés. Pourtant, au niveau de la musique, on ne veut rien lâcher. On connaît la chanson: au départ il s’agit uniquement de l’art pour l’art, puis vous signez dans un label et les choses prennent une autre ampleur, d’autres facteurs entrent en ligne de compte, vous vous éloignez de ce pour quoi vous vous êtes mobilisés. Aujourd’hui, on est revenus de ça. On sait que ce qui importe, ce sont les chansons, la musique, et rien d’autre. Du coup, on peut en profiter sans risquer de tout foutre en l’air. » l

u FUN., SOME NIGHTS, DISTR. WARNER. EN CONCERT LE 30/09, À L’ANCIENNE BELGIQUE, BRUXELLES.

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