Des mélodies qui décollent sur fond de synthés décomplexés: depuis Liège, Piano Club balance une fantaisie pop en technicolor.

Sur la pochette d’ Andromedia, premier album de Piano Club, un gamin plonge ses yeux dans un View Master. Vous vous rappelez l’objet? Culte dans les années 80, le jouet permettait de visionner des photos en 3D. « Quand je prenais ça en main, chaque image me fascinait. Il y a une part de nostalgie, c’est clair. Mais surtout, il y a l’envie de retrouver un enthousiasme, une faculté de se réjouir. Je l’ai toujours aujourd’hui avec la musique. Il m’arrive encore de tomber amoureux d’un disque, d’un film… « 

C’est Anthony Sinatra qui parle. On le retrouve dans le bureau de son label, Jaune Orange, à Liège, en bord de Meuse. Le sujet du jour: Piano Club, son dernier projet en date. Son premier aussi, lancé bien avant l’aventure Hollywood Porn Stars. Rappel des faits: Anthony Sinatra a en effet déjà monté son propre groupe quand le camarade Redboy, actif lui au sein de My Little Cheap Dictaphone, l’embarque dans l’aventure HPS. Une blague au départ, ou à tout le moins une récréation, qui n’a pas besoin de plus de 3 répétitions pour s’inscrire au Concours Circuit. Et le remporter… Suivra un premier, puis un second album, genre pop garage, qui rencontreront leur petit succès, ici et ailleurs. « On a reçu pas mal de soutien, parfois de manière même trop agressive. C’est Brian Eno qui expliquait qu’il vaut mieux jouer la séduction que d’essayer de forcer les choses. » Avec Piano Club, Anthony Sinatra a donc tout recommencé à zéro et pris bien son temps, dans le but aussi de maîtriser chaque étape du processus. « J’ai envie que le disque reste une aventure humaine avant tout. Du coup, aujourd’hui, chaque bonne nouvelle est une victoire. »

Anthony Sinatra est né du côté de Liège, en février 1979. Il doit encore régulièrement le préciser, mais Sinatra est bien son vrai nom de famille, fils d’un père d’origine sicilienne (Palerme) et d’une mère dont les racines sont situées dans les Abruzzes (Pescara). A la maison, on a pris l’habitude d’acheter un 45 tours par semaine. « Du rock des années 60, 70, de la chanson, de la variété italienne… Petit, on ne se pose pas trop de question, on engrange. Le fait est que j’ai toujours adoré les mélodies. C’est sans doute pour cela qu’aujourd’hui je fais de la pop. «  Au départ, le football tient pourtant la corde. « J’adorais la musique mais je ne pensais jamais pouvoir en faire. «  Une guitare, gagnée à la Foire de Liège, traîne cependant dans les parages. Son plus jeune oncle joue aussi de la basse. Plus tard, Anthony Sinatra se met également à organiser ses premiers concerts à la Soundstation. Finalement, début 2000, il se jette à l’eau et lance Piano Club. « On n’avait aucune ambition. On se retrouvait dans la cave des parents, une fois par semaine, le dimanche après-midi. «  Sont présents, lors de ces rendez-vous dominicaux, l’oncle en question Carmelo Sinatra, Salvio La Delfa, pote de toujours, et JC Modave. « Lui, je l’ai rencontré à un concert de Grandaddy. On s’est trouvé une passion commune pour les claviers. «  D’où le nom du groupe… « Aux répèt’, chacun amenait ses claviers. Mon préféré? Probablement le Yamaha CS 80, sans vouloir rentrer dans la geek attitude. En fait, j’aime le look, le son. Au-delà, tout ce qui est plus technique m’ennuie davantage. »

Sur le fil

Après un an et demi de boulot, et en prenant en charge lui-même la production, Piano Club sort donc son premier vrai album, donnant enfin une suite aux quelques ballons d’essai initiaux (comme le single Girl On TV, mixé par Philippe Zdar de Cassius). Sans surprise, le disque est bourré de claviers en tous genres. Forcément, les influences eighties sont omniprésentes, comme celles des B.O. de Moroder ou Vangelis, souvenirs de cassettes VHS louées et relouées au vidéoclub du coin. « Les films d’horreur italiens aussi, les trucs d’Argento, Romero… «  Evidemment, avec de tels points de repères, Piano Club s’expose au débat. Ultrapop, galactique, Andromedia a les défauts de ses qualités, culotté souvent, embarrassant parfois, mais invariablement jusqu’au-boutiste. « Dès le départ, on s’est retrouvé un peu à la marge, entouré de groupes à guitares. C’est clair qu’avec Piano Club, on marche sur un fil. On est conscient d’utiliser des sons qui peuvent paraître ringards. Mais cela nous plaît. Il n’y a aucune volonté de tomber dans le kitsch années 80. En général, on a envie que cela reste fun, mais sans pour autant tomber dans la parodie. Le but est de créer des chansons très sérieuses, mais emballées avec un certain détachement. »

Cette vision des choses, Piano Club l’a parfaitement traduite avec le clip de Love Hurts, fantaisie ludique tournée entre Liège et le Futuroscope de Poitiers, sur fond de manga à 2 balles. « On avait envoyé le CD à l’Eurospace Center de Redu et au Futuroscope. Les 2 nous ont répondu favorablement! Au départ, l’idée était simplement d’organiser une session photo. Mais quitte à aller jusqu’à Poitiers, on s’est dit qu’on pouvait peut-être en profiter pour tourner une partie du clip. On a bien fait: les gens là-bas nous ont reçus comme des rois, ils se sont vraiment décarcassés pour nous faciliter la vie. «  Le tout complété avec des costumes dégotés sur eBay Japon, et des images tournées à Liège avec des figurants rassemblés le jour même… C’est clair, Piano Club a de l’enthousiasme à revendre. Un élan qui leur a permis par exemple de se dégoter des dates à l’étranger (dont l’une au festival de Montreux). Ou de voir l’album se retrouver, 3 mois après sa sortie, parmi les 4 meilleures ventes belges, derrière Stromae certes, mais devant Arno. Comme quoi, le vaisseau Andromedia n’aura pas raté son décollage. l

u Piano Club, Andromedia, Jaune Orange/Rough Trade.

u En concert le 20/08, au Brussels Summer Festival. Egalement le 17/09

au Sugarock Festival, à Frasnes-Lez-Anvaing.

Rencontre Laurent Hoebrechts

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