Berlin On/Off

Sous la lumière jaune de l’aéroport de Schönefeld, entre agents de sécurité moustachus et trois kilos de flyers enfournés dans des sacs en papier, un jeune Français soliloque. Ayant accepté un job d’accompagnateur, il attend la poétesse israélienne, si elle arrive un jour – « la première des lectures « Poetry in migration » n’a pas été un succès, autant le dire ». Car pour s’immiscer dans le monde de l’art, il faut payer de sa personne. Déjà, on enlève le bas: lors d’un cours de nu à la Volkshochschule (ou Université populaire) de Berlin-Mitte, tombant le châle dont il s’est fait un cache-sexe, le narrateur reconnaît sa colocataire.. .: « J’étais très gêné: c’était le châle de Julia Müller. » Dressant un autoportrait du jeune homme en artiste à l’ère de la trinité postmoderne -lunettes cul de bouteille, sneakers plateau et cheveux bleus-, Julien Syrac taille surtout le portrait de la capitale allemande: « la province profonde, pas un seul Noir dans les rues, que des Blancs avec des gueules en coin de table (…) ». Pour s’épargner les thés détox, les graines de chia et autres ponchos en coton bio, il prolongera la visite à la campagne, terroir mélancolique et brumeux, berceau de l’âme prussienne, où, marteau à la main, on apprend la sculpture avec Youri la Feraille, mélange de folie slave et de rigueur germanique. Faussement gauche, très adroit, Julien Syrac cisaille comme il cisèle, avec un humour de satiriste caustique de très bon aloi. Le temps de trois monologues intérieurs revanchards et fendards, le narrateur solde le compte de ses tentatives pour frayer dans la Babylone des exilés: « (…) quatre-vingt dix pour cent des étrangers jeunes et désespérés venus à Berlin finissent dans l’exhibitionnisme. » Néo-gothique à pointes et patates à l’eau, non mais Allo! Savoureux.

Berlin On/Off

Nouvelles De Julien Syrac, ÉDITIONS Quidam, 136 pages.

8

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content