DE JEAN-CLAUDE FOREST, 1962

Elle a fait l’objet de quatre albums, a anticipé la révolution sexuelle et a été chantée par Gainsbourg dans Qui est in qui est out? Jusqu’en 1970, le gouvernement français a interdit d’en faire la publicité et de la vendre aux mineurs. Et aujourd’hui, après un projet de remake par Robert Rodriguez et Robert Luketic, Nicolas Winding Refn, le réalisateur danois de Drive, serait sur le point de l’adapter en série. Le cheveu long et blond, la combinaison moulante et sexy, Barbarella est à l’origine une héroïne de bande dessinée qui fuit la Terre pour oublier un terrible chagrin d’amour. Une pulpeuse et curieuse créature plongée dans un univers science-fictionnel débridé.

Imaginée par Jean-Claude Forest, elle apparaît au printemps 1962 dans les cases de V Magazine. Son éditeur (Georges Gallet), créateur du Rayon Fantastique, veut une Tarzan au féminin, Tarzella, mais l’idée ne séduit pas particulièrement l’auteur. Forte et indépendante, Barbarella va devenir l’une des premières vraies héroïnes de la BD adulte francophone. Au début du siècle, les filles dans la bande dessinée européenne sont des gamines plus ou moins délurées comme Lili et Bécassine. Barbarella, elle, a un corps et des envies de femme. Elle entretient des rapports privilégiés et intimes avec des personnages improbables comme un ange aveugle ou un robot. Le premier album (1964) se frotte à la censure, loin de succomber aux charmes trop apparents de la jeune femme. La super-héroïne doit se rhabiller. Des sous-vêtements viendront masquer sa belle nudité.

Pour son créateur, Barbarella incarne la femme moderne à l’ère de la libération sexuelle. « Barbarella est une fille libre, sauvage, indépendante, explique Forest en 1968. Ce n’est pas une suffragette pour autant, ni un gendarme. Elle reste très féminine et a le privilège de pouvoir se contredire à l’occasion. Ce n’est pas une vamp, mais une antivamp. D’ailleurs, je déteste les pin-up. Pour moi, Barbarella est un type de femme qui a toujours existé. Contrairement à ce que l’on raconte, elle n’est absolument pas scandaleuse.  »

Barbarella utilise sa sexualité mais n’est ni un prédateur ni une victime. A une époque où la révolution sexuelle est en marche, V Magazine raconte des histoires emmenées par de vraies femmes et non de simples potiches. Et dans ce contexte, Forest intellectualise et féminise ses héroïnes. Que ce soit avec Bébé Cyanure, Hypocrite, Barbarella ou sa soeur cadette, Marie Mathématique, jeune fille de 16 ans dans le Paris de 2830 créée pour de courtes séquences d’animation sur des musiques de Gainsbarre (son rire est celui de France Gall, les épisodes sont présentés par des icônes de l’époque comme Chantal Goya ou Marie-France Pisier).

En 1968, Barbarella fait inévitablement son apparition au cinéma dans un costume de Paco Rabanne et un film dirigé par Roger Vadim. Inspirée par son ex-femme Brigitte Bardot, elle est incarnée par sa nouvelle conquête Jane Fonda, période antérévolutionnaire. Forest signe la plupart des décors. David Gilmour de Pink Floyd participe à la musique. Et la dulcinée de Keith Richards, Anita Pallenberg, incarne la reine noire. Un film bien ancré dans son époque pour une icône pop aujourd’hui kitsch et culte…

J.B.

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