BAM dans la BD!

Jean Leclercq redessine compulsivement depuis près de 40 ans des cases de BD. Un artiste brut dont l’oeuvre possède enfin son beau livre. Attention les yeux!

Qui a eu la chance de fréquenter un jour La « S » Grand Atelier ou une des nombreuses expositions d’art brut montées par ce centre culturel d’exception qui accueille des artistes mentalement déficients (comme l’expo Obsessions à voir actuellement au MIMA à Bruxelles, voir Focus de la semaine dernière), connaît évidemment Jean Leclercq, ou au moins ses tableaux. Lesquels vous claquent à la gueule dès que vos yeux passent dessus, tant leur beauté brute tient du choc visuel pas tout de suite explicable. L’art de Jean Leclercq se résume, pour l’essentiel, à des cases très grand format produites sur carton, au crayon, au gros feutre, au bic, souvent coloriées aux Magic, à la gouache ou aux peintures scolaires. Et vite, malgré l’imperfection des traits, les défauts de ses à-plats et la cacophonie de ses compositions, on y reconnaît Michel Vaillant, Bill, Tintin, Obélix, Batman, Bob et Bobette ou Lambique (beaucoup de Lambique) évacués de tout contexte et de toute narration, mais autour desquels il reste, toujours, un phylactère, un bout de texte et très souvent une ou des interjections -Jean Leclercq ne lit jamais mais  » marque les mots« . Et comme l’écrit dans sa préface Erwin Dejasse, chercheur en BD et longtemps cheville ouvrière de La « S »,  » les dessins de Jean Leclercq balayent les certitudes et rendent caducs des critères tel le « bien dessiné ». Ils montrent avec éloquence que les créations les plus remarquables n’empruntent pas nécessairement les voies balisées, mais peuvent fleurir le long des chemins de traverse« .

BAM dans la BD!

Énergie brutale

S’il a 67 ans aujourd’hui, Jean Leclercq dessine depuis 55 ans et vient depuis 30 ans, tous les samedis, quand il n’est pas dans sa famille d’accueil ou qu’il n’effectue pas de menus travaux pour l’hôpital psychiatrique de Lierneux, dans les locaux de La « S », où il se sent comme chez lui et où, surtout, il est abreuvé à satiété de BD et de matériel de dessin. C’est dire si La « S » possède dans ses archives un nombre hallucinant de tableaux de Jean Leclercq, et que les quelque 300 dessins reproduits dans ce beau Humpf! ne donnent qu’une petite idée de sa fascinante production. Des dessins rendus uniques par leur énergie brutale, qu’auraient sans doute adorés les incohérents ou les dadaïstes, et qu’il n’est donc que logique de retrouver désormais dans la collection Knock Outsider de Fremok, la plateforme éditoriale qui publie toutes les co-éditions avec La « S », toutes remarquables (et toutes hélas assez chères), comme ce Humpf! qui explose tous les codes de la bande dessinée.

Humpf!

De Jean Leclercq, éditions Knock Outsider/FRMK, 440 pages.

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