AVEC RAOUL SILVA, JAVIER BARDEM EMMÈNE LE MÉCHANT BONDIEN DANS UNE AUTRE DIMENSION…

De Oddjob, aka Harold Sakata, jouant du chapeau melon dans Goldfinger au Blofeld que campait Telly Savalas dans On Her Majesty’s Secret Service, et autre Jaws (Richard Kiel), à l’£uvre dans The Spy Who Loved Me et Moonraker, la saga James Bond est peuplée de mauvais d’exception, savants dégénérés ou hommes de main sans scrupules, sans lesquels 007 ne serait pas tout à fait 007. Avec le Raoul Silva de Javier Bardem dans Skyfall, la galerie s’enrichit d’un spécimen hors-normes: c’est bien simple, à peine crève-t-il l’écran après une bonne heure de film, qu’il n’y en a pratiquement plus que pour lui, sa blonde chevelure, son rictus malade et ses motivations troubles.

Skyfall, Bardem en entend parler pour la première fois lors d’une soirée caritative organisée par Paul Haggis, au profit de Artists for Peace and Justice, une association active en Haïti. Egalement au nombre des invités, Daniel Craig demande à l’acteur de Biutiful si jouer dans un Bond réalisé par Sam Mendes l’intéresserait. Le genre de proposition qui ne se refuse pas, la lecture du scénario achevant de le conforter dans son choix – « Il y avait là le potentiel pour faire quelque chose de fort ». Et comment. La première apparition de son Silva est donc un morceau d’anthologie, parmi d’autres, qui impose d’abord un look, extravagant. « Je crois en l’apparence du personnage et non en la mienne, explique l’acteur. Préserver mon image m’est complètement indifférent. Ce qui importe, c’est ce qu’il faut raconter, et ce qu’il sied de construire à cet effet. » Et de poursuivre: « Travailler le physique m’aide à rentrer dans le personnage, tout doit converger pour faire sens. Mais prenez la coupe de cheveux de No Country for Old Men (Bardem y composait un mémorable tueur, un Oscar à la clé, ndlr) , ce n’était pas mon idée, mais celle des Coen, et je l’ai trouvée brillante. C’était dément, parce qu’il avait l’air d’un gentil petit garçon, mais tellement carré avec ça que cela en disait long sur sa façon de fonctionner. »

S’agissant d’interpréter le Mal, Javier Bardem raconte encore aller puiser dans les facettes les plus sombres de sa personnalité. « Je n’ai jamais tué personne, et je pense en être incapable, mais nous passons tous par des moments de rage que nous contenons parce que nous sommes stables mentalement et respectons des critères éthiques. Un acteur doit retrouver ces moments, et imaginer le reste du voyage: on construit la suite, pour un individu n’ayant pas de cadre et allant jusqu’au bout des choses. » La méthode fonctionne au-delà de toute espérance, puisqu’il vient d’aligner deux méchants d’anthologie. Au risque de se voir cataloguer bad guy hollywoodien de service? « Je n’en ai pas peur. Ce que je crains, c’est de ne plus avoir de travail. Quel que soit son statut, un acteur ne vous dira rien d’autre, c’est lié à l’insécurité même de notre condition. Plus que le Bien ou le Mal, ce qui m’importe, c’est qu’il y ait un être humain que je puisse reconnaître et trouver intéressant à jouer. » Histoire de brouiller les pistes, le comédien interprète d’ailleurs un prêtre dans To the Wonder, le nouveau Terrence Malick…

J.F. PL.

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