Aux éternels perdants

« Bientôt la sortie? » Quelque part entre Budapest et le lac Balaton, échoués dans une ville de province surchauffée, une poignée de détenus guettent les nouvelles fraîches, un parfum, une chanson à échanger sous le manteau. Né à Brighton de parents hongrois, le scénariste et réalisateur Andrew Szepessy (1940-2018) fut incarcéré un an à Budapest parmi d’autres prisonniers accusés de trahison, d’espionnage, voire, comme lui, sans explication. En République populaire de Hongrie au milieu des années 60, « (…) nous étions tous suspendus en plein air au milieu du Grand Bond en avant sur la voie du socialisme. Personne ne pouvait vraiment prévoir quand le jugement de quiconque finirait par se produire. » Entre deux promenades, « marche forcée vers nulle part », Szepessy prend le pouls de la cellule où règne un esprit de troupe, rassemble les récits, égrène le temps long. « Visiblement, les autorités répugnaient tant à troubler la tranquillité d’esprit d’un prévenu qu’elles veillaient à ne pas l’embarrasser de détails aussi triviaux qu’un calendrier d’audiences et de délibérations. » Avec l’ironie pour garde-fou, Epitaphs for Underdogs (en VO), son unique roman, croque une galerie de portraits où vibre une foi salutaire en la solidarité. Une visite au parloir, un passage chez le coiffeur, chaque instant porteur d’un changement stimulant est dégusté jusqu’à la moelle, en attendant la sortie du trou, énorme, entre « le moment où tu as plongé et celui où tu es sorti. Tu n’as rien appris. On t’a juste retiré le boulet à ta cheville et on t’a ouvert la cage. »

D’Andrew Szepessy, éditions Rivages, traduit de l’anglais par Bernard Cohen, 318 pages.

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