Au papier de verre

Migrant malgré lui, l’Américain Brian ?BC Camplight?Christinzio sort d’années de cauchemars via un album d’une explosive vulnérabilité.

Quelques accords distordus de guitare à la Metallica, enchaînés à des nappes de synthé baveuses façon Toto. BC Camplight mine-t-il volontairement l’intro de son quatrième album pour tester la curiosité de l’auditeur? Peut-être pas, vu le pedigree d’un disque fragmenté, peu classable, oscillation permanente entre sons et genres, comme l’adéquat récipient d’une vie sismique. On comprend vite qu’on a raison de dépasser l’entrée en matière, parce que la suite intrigue, touche et emporte dans un creuset de rock fifties triomphant, mélopées californiennes, traficotages digitaux et autres joint-ventures mélodiques. À la manière, là encore, du CV détaillé de l’artiste, bottin de foirages et de contradictions: celui qui a croisé le parcours de The War on Drugs et Sharon Van Etten, a 38 ans mais en paraît au moins dix de plus, ayant vécu dans des endroits aussi emballants que le New Jersey et la Pennsylvanie. Il ne faut pas s’étonner qu’il s’y batte contre des addictions et autres spectres de maladie mentale et de pauvreté, squattant un long moment dans une église abandonnée. Avant de  » finir en taule ou à la morgue » , le loustic se barre en 2012 en Grande-Bretagne et y recommence une vie moins paumée, jusqu’au moment où, début 2015, en dépassement de visa, on le vire du pays. Réalisant qu’il peut bénéficier de la nationalité italienne de ses grands-parents, BC revient chez les Anglais, quelques jours après le Brexit. Ce qui ne simplifie ni sa résidence ni ses tentations d’intox.

Au papier de verre

Chansons à ciel couvert

Deportation Blues porte donc généreusement son titre: enregistré à Liverpool dans des conditions claustros – » on est sortis du studio comme des mole people, les SDF qui vivent dans les souterrains des villes » il se charge pourtant d’une intense lumière. Plutôt au charbon, mais qui, dans les deux premiers titres par exemple, glisse ses pessimismes dans des airs de doo-wop, de Phil Spector industriel, frôlant même les sensations parfaites d’harmonies Beach Boys. Le tout passé au papier de verre et aux constantes tentations de dissonance. Le troisième titre n’arrange pas le spleen, s’immergeant dans un lounge-jazz fantomatique où crépitent des cuivres fatigués, jusqu’au moment où éclate un rock’n’roll jubilatoire, avant de repartir à nouveau dans une chanson à ciel couvert. Des changements d’humeur que BC veut métaphoriques, pas plus loin que sur Am I Dead Yet?, où la triomphante intro cinématographique se change en synthpop rêveuse. Le morceau étant lui-même sandwiché entre deux ballades au piano où la voix étonnamment vulnérable ramène les blessures émotionnelles comme autant d’inséparables compagnons à l’âme volatile. Globalement? Une fulgurance qu’on s’empressera d’aller écouter ce 17 novembre au Trix anversois.

BC Camplight

« Deportation Blues »

Distribué par V2 Records.

8

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