AVEC SPOTLIGHT, TOM MCCARTHY S’INSINUE DANS LES MÉANDRES D’UNE ENQUÊTE JOURNALISTIQUE AUX ALLURES DE THRILLER.

Guère connu du grand public, Tom McCarthy présente pourtant un CV plus qu’appréciable, son parcours l’ayant vu endosser avec un même bonheur les habits d’acteur (de Good Night, and Good Luck à Fair Game, en passant par la série The Wire), de scénariste (Up, c’était lui), et de réalisateur, signant notamment, il y a quelques années de cela, le remarquable The Visitor. Retraçant l’enquête du Boston Globe ayant débouché, au tournant des années 2000, sur un scandale sans précédent au sein de l’Eglise catholique américaine, Spotlight vient aujourd’hui confirmer tout le bien que l’on pensait de lui, le film alliant maîtrise, maturité et acuité du regard. « Je ne suis pas originaire de Boston, mais j’y ai étudié, et j’ai par ailleurs eu une éducation catholique. Quand les producteurs de Spotlight m’ont approché, je me sentais armé pour ce projet, ayant une certaine compréhension de ce monde. » Sentiment accru, encore, par sa connaissance de l’univers de la presse, acquise notamment sur le tournage de The Wire, où il campait un journaliste. « J’ai appris énormément de cette série, et de David Simon, qui est totalement imprégné de ce milieu. Nous avons beaucoup parlé de journalisme et de l’état de la profession », qui n’était pas encore, à l’époque de Spotlight, gagnée par le marasme qu’on lui connaîtrait par la suite: « L’idée de ce rédacteur en chef débarquant à Boston en provenance de Miami, et décrétant, le jour de son arrivée, qu’il y avait lieu d’enquêter sur l’Eglise catholique et de remuer la fange, m’a fasciné. Josh Singer, le coscénariste, et moi avons été plus intéressés encore lorsque nous avons découvert combien l’enquête de ces journalistes avait été fouillée, et ce qu’elle soulevait comme interrogations sur la complicité de la société et d’institutions, alors qu’il était question d’abus d’enfants. On ne peut que se demander comment des faits de cet ordre ont pu se produire, et pas seulement au sein de l’Eglise catholique, mais aussi dans des universités, à la BBC ou encore avec Bill Cosby… »

Dans les zones d’ombre

A défaut de réponse catégorique à ces questions ou d’explication définitive au silence ayant longtemps prévalu, McCarthy avance un constat: « Tout le monde est fort occupé. Et c’est pourquoi nous avons besoin de journalistes s’insinuant dans les zones d’ombre pour révéler ce qui s’y passe. Nous n’avons pas le temps d’assembler toutes les pièces du puzzle, et certains reporters excellent à le faire. » Autant dire que son discours navigue allègrement à contre-courant d’une époque où la presse est décriée plus souvent qu’à son tour. Difficile par ailleurs d’imaginer, aujourd’hui, un journal local, fût-il américain, maintenir un pool d’investigation semblable au Spotlight du Boston Globe, du fait d’une realpolitik dictée par les contingences économiques. « C’est vrai, opine le réalisateur, et pourtant, le Globe s’est débrouillé pour conserver son équipe d’enquêteurs. Nous tenions d’autant plus à saluer leur travail que nous avons le sentiment que le public américain n’a pas toujours compris ce qui s’était passé, et le rôle crucial que joue le journalisme dans notre société et pour la démocratie. Je ne pense pas qu’il s’agisse d’une vision romantique, mais bien d’une représentation fidèle de ce à quoi peuvent mener des enquêtes solides. » Manière de rappeler aussi que l’on appela un jour la presse le quatrième pouvoir…

J.F. PL.

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