Tournant autour d’un groupe d’amis partis en villégiature à la mer Caspienne, About Elly voit le réalisateur porter un regard inédit sur la société iranienne.

Dans avoir la notoriété d’un Bahman Ghobadi ou d’un Jafar Panahi, Asghar Farhadi n’est pas un nouveau venu dans le paysage cinématographique iranien. Trois longs métrages ont ainsi précédé Darbareye Elly (About Elly), son nouveau film, sur nos écrans cette semaine ( lire notre critique page 31), et celui qui lui a ouvert les portes de la reconnaissance internationale, glanant un Ours d’argent à la Berlinale 2009. « Le film est sorti en Iran le jour de sa présentation à Berlin, sourit le réalisateur, de passage à Bruxelles à l’occasion d’un week-end persan organisé par Bozar. Plus important que le prix, il a été apprécié par la critique, et le bouche à oreille a bien fonctionné… »

Sous le voile des apparences

On devine là un contentement d’autant plus légitime que About Elly tranche avec la production iranienne. On y découvre un groupe de jeunes amis, partant pour un week-end à la mer. Sepideh, qui a orchestré le tout, a aussi invité Elly, en espérant qu’elle ne soit pas insensible au charme de Ahmad, qui sort d’une rupture douloureuse. Les choses se déroulent à peu près conformément aux attentes, jusqu’au moment où Elly disparaît, faisant apparaître diverses vérités que dissimulait le voile des apparences. Un processus d’autant plus fécond qu’il ouvre sur de multiples interprétations -ainsi de la propension de chacun à juger à la hâte, selon ses propres préjugés. « Je laisse au spectateur le soin de trouver ce qu’il veut dans le film. On peut l’envisager sous des angles différents, comme celui du jugement, ou un autre, social. » A cet égard, difficile de ne pas voir dans About Elly un questionnement critique sur la place de la femme dans la société iranienne, cette dernière étant par ailleurs appréhendée par le prisme de sa classe moyenne. « C’est une partie de la société iranienne que l’on voit rarement dans les films diffusés à l’étranger, qui privilégient la société rurale avec ses problèmes quotidiens, plus simples. Personnellement, je préfère montrer la classe moyenne, urbaine et nombreuse, en butte aux problèmes désormais mondialisés. Peut-être s’agit-il aussi de l’image d’une société en transition, en train de passer de la tradition à la modernité. »

A l’instar des Chats persans de Bahman Ghobadi, About Elly présente aussi un visage inédit de la jeunesse iranienne -celle-là même qui est descendue dans la rue depuis. « Ce qui s’est extériorisé ces 6 derniers mois est présent dans les esprits depuis déjà fort longtemps. Je suis optimiste, j’ai la conviction qu’un événement très positif va se produire. Quelque chose d’important s’est passé dans l’esprit des gens, qui ont senti avec force, de toute leur âme, la signification de la liberté. Pendant longtemps, on a recherché la justice, mais sans liberté, il n’y a pas de justice. A travers certains films, on peut en tout cas deviner une partie de l’avenir. » Frémissement qui a d’ailleurs valu à Ghobadi, mais aussi à Goshifteh Farahani, formidable actrice de About Elly, de devoir prendre le chemin de l’exil. « Je veux faire le maximum pour ne pas m’exiler, conclut Farhadi . C’est dans mon pays que je veux faire des films, même si c’est très difficile. Tourner un film ici, à l’extérieur, et qui ne traite pas de l’Iran, ne fait tout simplement pas partie de mon monde… »

Jean-François Pluijgers

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