NOM DE CODE, ARGO – AU DÉPART D’UNE EXTENSION PEU CONNUE DE LA CRISE IRANIENNE DES OTAGES, BEN AFFLECK SIGNE UN MAÎTRE THRILLER POLITIQUE. OSCAR DU MEILLEUR FILM.

DE ET AVEC BEN AFFLECK. AVEC JOHN GOODMAN, ALAN ARKIN, BRYAN CRANSTON. 2 H 09. DIST: WARNER.

Couronné des Golden Globes aux Oscars en passant par les Bafta et autre César, Argo, le troisième long métrage réalisé par Ben Affleck, aura survolé la saison des prix qui ouvre traditionnellement l’année civile. Une demi-surprise -le film faisait figure d’outsider-, mais pas un scandale pour autant, l’auteur y faisant preuve d’une maîtrise incontestable, pour signer un thriller haletant au départ d’un épisode particulièrement tumultueux des relations irano-américaines. Passé un prologue ramassant brillamment 50 ans d’Histoire, Argo s’ouvre au plus fort de la révolution iranienne, en 1979, lorsque des manifestants prennent d’assaut l’ambassade américaine à Téhéran. Si la plupart des employés sont retenus en otage -le début d’une crise sans précédent, qui coûtera sa réélection au président Carter-, une poignée d’entre eux profitent de la confusion pour s’échapper, et trouver refuge dans la résidence de l’ambassadeur du Canada. Répit tout ce qu’il y a de plus passager toutefois, tant leur découverte paraît imminente, et avec elle la menace d’une exécution sommaire. C’est dans ces circonstances troubles que la CIA va dépêcher sur place l’un de ses agents, Tony Mendez (Ben Affleck), exfiltreur de profession. Lequel, pour tenter de tirer les six diplomates de ce guêpier iranien, va imaginer de les faire passer pour une équipe de cinéma venue faire des repérages en Iran pour un film de science-fiction répondant au nom de Argo… De ces faits réels mais peu connus (le dossier fut classé top secret pendant 17 ans), Ben Affleck tire un maître thriller politique, tenant tout à la fois de la reconstitution intelligente, restituant notamment le contexte houleux de l’époque, et du divertissement habile, où le suspense et la tension se relâchent le temps de respirations bienvenues. Ainsi, en particulier, du volet périphérique mais essentiel de l’histoire, qui vit d’éminentes personnalités de la communauté hollywoodienne (jouées avec une jubilation manifeste par Alan Arkin et John Goodman) monter de toutes pièces un film-leurre, en s’échangeant force « Argo fuck yourself« (Argoccupe-toi de ton cul) de circonstance. Sans aller jusqu’à faire l’économie d’un certain manichéisme, dans son final surtout, ni même d’un couplet indigeste à la gloire de la CIA, Argo n’en reste pas moins de la fort belle ouvrage, un film classique dans sa forme, millimétré dans sa narration et solide dans son interprétation. L’édition Blu-ray y adjoint des compléments passionnants, revenant pour les uns sur les faits en compagnie des témoins directs (ainsi du module Picture in Picture, mais aussi d’un documentaire réalisé pour la télévision canadienne en 2004), pour les autres sur la réalisation du film. L’occasion de découvrir notamment jusqu’où alla le souci du détail et de l’authenticité de Ben Affleck; le genre à faire remplacer les 4000 ampoules éclairant la Mosquée Bleue, à Istanbul, par des modèles conformes à ceux utilisés en 1979…

JEAN-FRANÇOIS PLUIJGERS

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