JAMIE BELL, L’INOUBLIABLE BILLY ELLIOT, PRÊTE SES TRAITS À TINTIN. UNE ÉVIDENCE, AU- DELÀ D’UN INCONTESTABLE MIMÉTISME. QUANT À ANDY SERKIS, LE GOLLUM DU SEIGNEUR DES ANNEAUX, IL CAMPE UN TRUCULENT HADDOCK. RENCONTRES CROISÉES…

ANDY SERKIS

QUE REPRÉSENTAIT L’UNIVERS DE HERGÉ POUR VOUS?

Je n’étais pas un fan absolu de Tintin, ni un tintinophile averti, mais j’ai grandi avec lui, et j’avais gardé des souvenirs amusants de la lecture des albums. Je les ai découverts à la même époque que ceux d’Astérix, et j’en ai gardé un souvenir très fort, parce que si j’ai été éduqué en Angleterre, mon père vivait en Irak, à Bagdad, où j’allais passer les vacances d’été. Et je lisais toujours les Tintin lorsque j’étais à Bagdad. C’est donc fort évocateur, beaucoup de souvenirs remontent à la surface.

COMMENT AVEZ-VOUS APPROCHÉ VOTRE PERSONNAGE?

Je suis parti des émotions ressenties en voyant les dessins de Hergé. Haddock est magnifiquement dessiné: je pense que, de tous les personnages, c’est celui qui a la gamme la plus large d’expressions. Ce qui nous importait à tous, c’était de ne pas faire de lui un ivrogne superficiel de bande dessinée; il fallait comprendre sa vérité émotionnelle, celle de quelqu’un portant le poids des péchés de son père, et du père de son père, et ainsi de suite, en remontant la ligne de ses ancêtres, et incapable de se lier avec qui que ce soit. Il est chaotique, et la question est de savoir pourquoi il est alcoolique, et non se contenter du constat qu’il l’est. L’intérêt de recourir à la « performance capture » pour jouer un tel rôle, c’est que cela permet d’explorer beaucoup de pistes qu’on n’envisagerait pas s’il s’agissait d’un personnage animé. Ici, on peut habiter le monde du personnage de manière significative, comme on le fait lorsqu’on répète une pièce de théâtre, ou qu’on construit un rôle pour un film. J’ai veillé à trouver les tournants de Haddock, qui, d’épave s’auto-apitoyant évolue vers quelqu’un capable de prendre soin de Tintin. La construction de leur relation a été fort importante.

VOUS ÊTES DÉSORMAIS HADDOCK. AVEZ-VOUS RESSENTI UNE PRESSION DES TINTINOLOGUES?

Non, ils espèrent que nous avons été loyaux envers le matériel original. Quand on joue un rôle iconique, les gens ont forcément des idées préétablies. On cherche, jusqu’à un certain point, à les comprendre et à les satisfaire, mais il est aussi fort important d’avoir la liberté d’apporter ce que l’on a à offrir au personnage. On y met son c£ur et son âme, mais on ne peut pas plaire à tout le monde, c’est le risque à courir…

JAMIE BELL

QUE REPRÉSENTAIT L’UNIVERS DE HERGÉ POUR VOUS?

Je suis un grand fan, depuis l’enfance. J’ai découvert Tintin à l’âge de 8 ans, via les dessins animés franco-canadiens diffusés à la télévision dans les années 90, et que je trouvais vraiment formidables. Ses aventures me procuraient un plaisir immense, il était tout ce que je désirais devenir. A mes yeux, Tintin incarne l’excellence pour les enfants -j’ai projeté tout ce que je voulais devenir dans la vie dans ce personnage, comme parcourir le monde, chercher des trésors, tirer sur des méchants…

COMMENT AVEZ-VOUS APPROCHÉ VOTRE PERSONNAGE?

Approcher un tel rôle présente de nombreux défis. Sa première apparition remonte à 1929, on dispose donc d’un matériel abondant pour essayer de déterminer qui il est. J’ai dévoré tous les albums, j’ai beaucoup lu sur Hergé, et j’ai visionné des documentaires qui lui étaient consacrés. Au sortir de cette recherche, on ne connaît toutefois rien sur le personnage, parce que cela ne s’y trouve pas. Hergé ne donne jamais d’informations, il ne révèle aucun aspect de sa vie privée, pas plus que ce qu’il aime ou ce qui l’effraye, ni même ce qu’il va chercher dans son frigo lorsqu’il rentre du travail. On ne connaît pas ces détails intimes sur le personnage. En tant qu’acteur, arriver et remplir les blancs serait irresponsable: c’est un héritage de 1929, ayant rencontré un succès considérable, avec des fans très loyaux, et un acteur débarquerait pour tout changer au personnage, et lui apposer son propre cachet? Il fallait que je m’en tienne à ce que l’on sait de lui: il est courageux, énergique, loyal, compétent, il excelle dans ce qu’il entreprend, mais il est assez dépourvu d’émotions, ou alors, il s’agit d’émotions très simples. Il était important à mes yeux de préserver le côté énigmatique et le mystère du personnage.

COMMENT VIVEZ-VOUS LE FAIT D’ÊTRE TINTIN POUR LE RESTANT DE VOS JOURS?

J’ai déjà dû vivre une dizaine d’années avec le fait d’être défini par mon personnage de Billy Elliot. Je ne ressens pas vraiment de différence, ça me convient, je suis à l’aise avec ça. Tintin est un personnage traduit dans le monde entier qui a apporté du plaisir à des millions de gens, qui l’aiment vraiment, tout comme moi d’ailleurs. Pour moi, c’est un don, c’est cool.

TEXTE JEAN-FRANÇOIS PLUIJGERS, À PARIS

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