Américanisation

L’Amérique. Alors que le « siècle américain » est en train de céder la place à un autre, encore incertain, le mot continue à susciter les réactions les plus tranchées. Il y a ceux dont il fait briller les yeux et à qui il évoque le glamour des stars disparues, les grands espaces d’une terre de contrastes et les lumières voyantes des villes la nuit. Et puis il y a ceux qu’il irrite -eux qui ne voient en lui que le nom d’une immense pollution, emportant dans sa vague de dollars et de hamburgers les restes de civilisations bien plus anciennes qu’elle. Dans Américanisation, sa très belle  » histoire mondiale » des voyages de la culture américaine, Ludovic Tournès, professeur à l’université de Genève, raconte ces oppositions, qui font, depuis toujours, partie de son épopée. L’Amérique a toujours été vue comme une créature bizarre, artificielle, mal dégrossie -mais, pour cela, comme l’image fascinante d’une authenticité débarrassée de la fatigue des cultures se croyant plus raffinées, plus élégantes. Cette « authenticité », en réalité, est le produit d’un récit, construit de manière plus ou moins délibérée, de manière plus ou moins maladroite, afin de faire coïncider les mythes politiques fondateurs d’un État né d’une colonisation toujours mal assumée avec les désirs de vie nouvelle dont elle avait besoin de s’annexer les forces pour mieux se déployer. Hollywood et le Coca-Cola, les deux symboles de ce que certains vitupèrent comme son « impérialisme » culturel, ne sont que les avatars les plus récents de ce récit -des avatars eux aussi élaborés par la grâce d’un succès économique, politique et militaire sans précédent. Aujourd’hui que ce succès semble marquer un arrêt, la question se pose de savoir si l’américanisation du monde, qui, qu’on le veuille ou non, constitue un fait accompli, se poursuivra encore -ou si, au contraire, elle devra reculer devant d’autres vagues, venues d’Asie. L’enquête de Ludovic Tournès, qui traverse les siècles et les continents, reste ouverte.

Américanisation
© GETTY IMAGES

De Ludovic Tournès, éditions Fayard, 452 pages.

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