Allo maman bobo

© THIBAULT MONTAMAT
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

ADEPTE D’UNE CHANSON DÉLICATEMENT MINIMALISTE, MATHIEU BOOGAERTS LAISSE PERCER UNE MÉLANCOLIE ENCORE JAMAIS ENTENDUE CHEZ LUI.

Mathieu Boogaerts

« Promeneur »

DISTRIBUÉ PAR TÔT OU TARD/PIAS.

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Mathieu Boogaert adore le mot « fou » (qu’il prononce « fouh », tel le bruit du bolide qui passe en coup de vent). Exemple: « C’est fou comme le temps passe vite. » Vingt ans en l’occurrence. Deux décennies que Boogaerts est apparu sur la scène française. C’était avec l’album Super, et le single Ondulé. Depuis, le bonhomme a continué à tracer sa route dans son coin. Sans connaître le succès retentissant qui lui aurait permis par exemple de remplir des Zénith. Mais avec une constance qui lui a amené une fan base solide, ainsi qu’une reconnaissance du métier (il a écrit pour Vanessa Paradis, Camelia Jordana, Luce…). En février dernier, il a ainsi fêté ses 20 ans de carrière à la Philharmonie de Paris. Par ailleurs, en septembre, la « jeune » génération lui a rendu hommage à travers un disque de reprises (avec notamment Nicolas Michaux, reprenant Jambe, et Témé Tan transformant Bandit en petite bombinette funky). Compilé par le collectif La Souterraine, 10 ritournelles autour de Mathieu Booagerts montre ainsi à quel point les chansons de Boogaerts, sous leur apparente délicatesse, sont solidement charpentées.

L’enfer et le paradis

C’est bien là le tour de magie de Mathieu Boogaerts: réussir à glisser des morceaux qui, tout en donnant l’impression de tenir à deux fois rien, parviennent à retenir l’oreille et à s’y incruster durablement. Musicalement minimaliste, Boogaerts a la fantaisie légère et attachante, et cet art de jouer les grands naïfs.

Le titre de son nouveau disque, le septième, semble encore le confirmer: globe-trotter invétéré, Boogaerts est bien ce musicien qui chante comme il se balade, Promeneur faussement dilettante de la scène française. Cette fois, il a décidé de partir s’isoler dans les montagnes. L’essentiel des morceaux a été enregistré dans une ancienne bergerie, plantée à côté du mont Ventoux. Trois micros, une simple guitare: rien de plus. Ce n’est que plus tard que seront ajoutés deux, trois éléments supplémentaires. Comme une guitare électrique, un petit clavier-piano, un bongo, et puis, surtout, trois violons. Est-ce la raison pour laquelle Promeneur sonne plus mélancolique qu’à l’habitude?

Clown lunaire mais rarement triste, Mathieu Boogaerts laisse percer ici une mélancolie rarement entendue chez lui. Dans Chhh, par exemple, celui qui chantait « Montre-moi ta flamme, montre-moi tout » (Avant que je m’ennuie) se demande désormais si « la vérité à dire est bonne? », avant de conclure « Nan, rien n’sera jamais plus comme avant/Et avant, c’était mieux que maintenant ». Peut-être que le brouhaha du monde a quand même fini par atteindre l’île déserte que s’était inventée Boogaerts: « Toi, pourquoi t’es méchant? [… ] Je pleure, je meurs de peur [… ] Tu penses vraiment qu’y a pas de la place pour nous deux, sur la Terre » (Méchant). Plus loin, la sentence est encore plus explicite: « C’est quoi la raison/que j’tombe dans le trou/j’aimerais le savoir [… ] Sauvez-moi/Que la lumière soit » (L’enfer).

Mathieu reste cependant bien Boogaerts, qui termine sa promenade, un peu K.-O. certes, mais toujours volontaire: « Tout est merveilleux ici/N’est-ce pas un peu le paradis » (Merci). Après tout, un peu d’autopersuasion n’a jamais fait de mal…

LAURENT HOEBRECHTS

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