SCULPTURALE CRÉATURE BIEN CONNUE DES AMATEURS DE COMMUNITY ET MAD MEN EN TÉLÉ, L’ACTRICE AMÉRICAINE RÉGALE DANS SLEEPING WITH OTHER PEOPLE, COMÉDIE ROMANTIQUE QUE SA JUBILATOIRE MODERNITÉ DE TON POSE EN VÉRITABLE WHEN HARRY MET SALLY D’AUJOURD’HUI.

« Jusque-là, j’ai joué beaucoup de personnages très conservateurs. Prenez Trudy dans Mad Men ou Annie dans Community: elles sont très conventionnelles, et aussi très naïves. Ça m’a libérée d’enfin camper une femme plus affirmée, plus épanouie sexuellement, plus ouverte d’esprit également. Plus proche de moi, tout simplement. »

A 32 printemps, et après des années essentiellement passées à squatter le petit écran dans deux des séries majeures -chacune, il est vrai, dans des registres radicalement différents- de la décennie écoulée, Alison Brie trouve donc enfin son rôle de la maturité, au cinéma, avec Sleeping with Other People (lire la critique page 25). Maturité rigolarde s’entend, la comédie romantique de Leslye Headland (Bachelorette), subtile radiographie du grand désordre amoureux qui préside à l’air du temps, mâtinant sa trame sentimentale de dialogues piquants et bourrés d’esprit où la crudité de ton n’a rien à envier à celle des situations. « C’est ce qui a d’emblée attiré mon attention à la lecture du scénario, se souvient l’actrice alors qu’on la rencontre en loup de Tex Avery au dernier festival de Deauville. La manière dont s’expriment Lainey et Jake, les deux personnages principaux, fait beaucoup pour la singularité du film. Et, avec Leslye, ce n’est jamais cash ou vulgaire gratuitement, cela s’inscrit toujours dans la logique du récit. Il s’agit là d’une approche très moderne: aujourd’hui, les gens sont beaucoup plus francs dans leur façon de parler de sexe ou même d’amour.  »

Le film la présente ainsi en New-Yorkaise active accro au libertinage, mais dont l’entente platonique avec un ancien coup d’un soir répond bientôt à des ressorts de couple, imbroglio sentimental prétexte à reposer l’éternelle question romantique: l’amitié homme-femme est-elle possible? « La comédie romantique relève d’un genre en soi peu enclin à dépasser ses propres codes, très définis, et où les protagonistes féminins sont souvent réduits à de simples archétypes pour lesquels l’amour fait figure de Graal absolu. Dans ce contexte, Lainey apparaît comme un personnage particulièrement complexe, qui peut bien sûr être très amusant ou charismatique mais couve aussi toute une série de frustrations et de problèmes sous ce vernis de sympathie et de fraîcheur. Il s’agit là assurément du rôle le plus important de ma carrière. Je ne peux pas dire que je l’ai approché d’une manière radicalement différente de mes expériences en télé, mais je dois reconnaître qu’il était agréable d’incarner un personnage qui évolue autant en si peu de temps. Tout le contraire d’une série, où vous jouez peu ou prou la même partition des saisons durant. »

Le monopole du vagin

Une scène-clé du film, celle de l’initiation à la masturbation féminine avec une bouteille de thé vert, est appelée à devenir culte, et rappelle immanquablement l’orgasme simulé par Meg Ryan chez Katz’s dans When Harry Met Sally. Au jeu des références, Sleeping with Other People se pose d’ailleurs un peu là, le film alignant les clins d’oeil à la culture populaire avec un abattage qui n’a justement rien à envier à celui, frénétique, de la série Community. Pour autant, Alison Brie, qui admire Audrey Hepburn et cite spontanément Roman Holiday et Sabrina quand on lui parle cinéphilie à tendance romantique, n’affiche pas vraiment le profil de la geek binoclarde biberonnant aux jeux de rôle et aux films de lutins… « Je confirme, je ne suis absolument pas dans tout ça (sourire). Par contre, je suis bizarrement très souvent impliquée dans des projets avec des gens qui le sont. Dan Harmon, le créateur de Community,est à fond dans la culture pop, et Leslye plutôt branchée ciné, mais ils ont tous les deux le cerveau bourré de références prêtes à fuser à tout moment. Honnêtement, sur le tournage de Community,je passe mon temps à googler discrètement le sens des répliques qu’ils me mettent dans la bouche (sourire).  »

En attendant, l’actrice excelle et régale dans le registre de l’humour, fausse ingénue capable de vitriol qui participe de l’actuelle et réjouissante mainmise féminine sur la comédie US, d’Amy Poehler et Tina Fey à Kristen Wiig et Rachel Dratch, en passant par Mindy Kaling, Amy Schumer ou même Lena Dunham. « Sans doute. Je veux dire: il se trouve que j’ai moi-même un vagin donc je dois faire partie du club (sourire). Mais oui, quoi qu’il en soit, nous connaissons un véritable âge d’or actuellement aux Etats-Unis en tant que femmes faisant de la comédie. Il y a beaucoup de nouvelles voix vraiment drôles et tranchantes qui ne cessent de s’élever un peu partout. Le film de Leslye participe de ce mouvement, c’est un fait.« 

RENCONTRE Nicolas Clément, À Deauville

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