African king

© WILEY - ST. MARY, 2016

La toile date de 2009 et c’est un euphémisme de dire qu’elle a marqué les esprits lors de Art Basel Miami. Il s’agit d’un portrait équestre, façon 325×284, de Michael Jackson. À califourchon sur un étalon blanc -le détail chromatique est important-, le Roi de la Pop défie le regardeur. Dans le ciel, deux putti potelés se chargent de déposer une couronne de laurier sur sa chevelure léonine. Contrairement à cette auguste récompense envoyée par le Très-haut, l’iconographie triomphante en question ne tombe pas du ciel. Elle est la marque de fabrique de Kehinde Wiley qui l’a directement empruntée à Pierre-Paul Rubens. À la base, il s’agit d’un portrait de Philippe II, à ceci près que le roi espagnol chevauche quant à lui un destrier brun, tiens, tiens… C’est sur ce credo rococo de grand renversement de l’imagerie occidentale que Wiley a fait sa fortune, une opération de militantisme sans didactisme que l’on pourrait formuler de la sorte: extraire la communauté afro-américaine de l’invisibilité dans laquelle elle est tenue par le domaine artistique consacré. Miraculeusement sauvé des laves de son quartier d’enfance -le peu amène South Central- et diplômé de Yale, le natif de Los Angeles (1977) a débuté sa carrière dans les rue de Harlem où il dénichait ses sujets anonymes à la faveur de castings sauvages. Aussi urbains qu’athlétiques, les modèles à capuche ayant consenti à prendre la pose étaient projetés sur fonds éclatants comme des boubous africains dans des attitudes précieuses recopiées des maîtres classiques -de Le Brun à Ingres, en passant par Tiepolo ou David. Une noblesse de sweat succédant à une noblesse d’épée? Pour l’intéressé, la transmutation n’est pas sans lien avec le rap. Comme il le confiait en 2016 au Figaro lors de son exposition au Petit Palais:  » Il y a quelque chose du monde noir du hip-hop dans mon travail. Le désir d’être un individu, d’avoir une autonomie et un style américain propre. » Un sillon stylistique qu’il ne cesse de creuser comme en témoignent les vitraux monumentaux qu’il expose aujourd’hui à Bozar, dans le cadre du festival pluridisciplinaire Afropolitan, et qui confèrent un pedigree artistico-religieux, trop longtemps dénié, à l’homme noir.

African king

Lit, Kehinde Wiley, Bozar, 23 rue Ravenstein, à 1000 Bruxelles. www.bozar.be

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