White Material vient fort opportunément rappeler que Christophe Lambert a su, aussi, poser des choix ambitieux… Rencontre

Dans le genre filmographie improbable, Christophe Lambert se pose un peu là. Si l’on excepte les années 80, où il aligna Greystoke, Subway et autre Highlander, trouvant même grâce aux yeux d’un Ferreri ou d’un Cimino (pour autant d’échecs commerciaux cependant), l’acteur semble surtout avoir eu le chic pour ferrer les daubes, voire même s’y complaire: qui d’autre pour aligner les Highlander, le retour,Highlander III, et autre Highlander: Endgame, mais encore les Fortress, Beowulf, Nirvana, Arlette et autre Vercingétorix, au gré d’un parcours déclinant la notion de nanar par-delà les genres et les frontières?

Si le constat est sans appel (et lui a d’ailleurs valu la postérité télévisée par Guignols interposés, eux qui lui faisaient répéter à l’envi: « Oui, je sais, ils sont tout pourris mes films… « ), il en faut plus pour déstabiliser un acteur dont la sincérité n’est, du reste, pas la moindre des qualités. Ainsi lorsqu’on l’interroge sur la pertinence de certains de ces choix, sous un chaud soleil vénitien: « Il est impossible de regretter le passé, il est parti, on ne peut plus le reprendre. Je ne regarde jamais en arrière, j’essaye de vivre autant que possible dans le présent, tout en pensant à l’avenir. Je suis la voie que me dictent mon c£ur et mes sentiments. J’ai pris beaucoup de plaisir à faire chacun des films que j’ai tournés. Je suis d’accord pour dire que mes choix n’étaient pas toujours marqués du sceau de la qualité, mais ce à quoi aspire un acteur, c’est jouer, et c’est ce que j’ai fait. Après, certains films étaient bons, d’autres pas si bons (rires), mais si on ne devait faire que des choses fantastiques, notre vie serait d’un morne… « 

White Material, le nouveau film de Claire Denis, où il campe l’ex-mari d’Isabelle Huppert, vient rappeler que le gaillard a su aussi, à l’occasion, poser des choix ambitieux -on se souvient, par exemple, de Max et Jérémie de Claire Devers- ou, à tout le moins, inattendus, comme, plus récemment, le Janis et John, de Samuel Benchetrit. Encore que lui se plaise à répéter que film d’action ou film d’auteur, « le processus est le même ». Dans le cas présent, l’envie de travailler avec Claire Denis, « une cinéaste incroyable, très personnelle », était l’argument initial, bientôt renforcé par la qualité du scénario: « Le sujet était extrêmement fort, et je savais que Claire ne ferait aucune concession en le traitant. Tout s’est mis en place; je suis très fier d’avoir eu la chance de travailler avec elle, comme du résultat à l’écran », explique-t-il, dans un élan de légitime satisfaction.

Le sentiment de basculement imminent d’un monde, Lambert en avait été le témoin indirect au contact de son père, diplomate de l’Onu. Incidemment, le film l’a aussi ramené au Cameroun, sur les lieux où il tournait Greystoke il y a tout juste 25 ans: « Ce qui m’a choqué, en arrivant à Douala, c’est que rien n’avait changé: ce sont toujours les mêmes routes, les mêmes buildings inachevés. On aurait dit que le pays n’avait absolument pas bougé. A un moment, cela ne peut qu’exploser… », observe-t-il, avec cette même lucidité qu’il met à ausculter son inégale carrière…

Jean-François Pluijgers, à Venise

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