Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

AVENTUREUSE ET PASSIONNANTE, MATANA ROBERTS QUESTIONNE L’HISTOIRE AFRO-AMÉRICAINE AVEC SON SAX, SON JAZZ LIBRE ET UN CONTE TOUT PERSONNEL DU PEUPLE NOIR.

Matana Roberts

« Coin Coin Chapter Two: Mississippi Moonchile »

DISTRIBUÉ PAR CONSTELLATION/KONKURRENT.

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Matana Roberts a appris grâce à l’une de ses grands-mères comment ses arrières grands-parents avaient atterri à Chicago, créé une entreprise de couture et s’étaient mis à fabriquer des modèles de vêtements à partir de tissus rapiécés. Selon la légende, c’est ce qui lui aurait donné l’idée et l’envie d’utiliser des fragments historiques et biographiques pour dessiner les contours de son oeuvre.

En 2006, la saxophoniste, qui dit entretenir un rapport d’attraction/répulsion avec la tradition du jazz américain, s’est lancée dans un projet conceptuel et multimédia complexe de mémoire et de récupération. Un work-in-progress explorant les thèmes de l’Histoire, de la mémoire et des ancêtres. En 2010, sur l’invitation du label canadien Constellation, elle en avait enregistré le premier chapitre, Coin Coin Chapter One: Gens de couleur libres.

Coin Coin, c’est Marie-Thérèse Coincoin Metoyer. Esclave, et apparemment lointaine parente, elle fut mariée de force avant d’être vendue à un homme qui en fit sa concubine et l’affranchit (en 1778), de pratiquer la médecine et le métier de trappeur, de devenir une femme d’affaires et d’exploiter une plantation de coton. Roberts se sert de cette femme intelligente et forte, symbole de fierté et d’endurance en Louisiane, pour interroger le parcours des Noirs américains. Satisfaire sa passion pour l’Histoire, et son intérêt pour les partitions graphiques…

Odyssée de l’espèce

Adepte de l’expérimentation et de la conceptualisation, Roberts s’est inscrite dans divers projets mêlant danse, poésie, impro et/ou théâtre. Elle a bossé avec des rockeurs, des rappeurs, des jazzmen. Collaboré avec God-speed You! Black Emperor, TV On The Radio, Tortoise, Anhony Braxton, des membres de The Roots et d’Antipop Consortium…

Influencée par Alice Coltrane, Ornette Coleman, Fred Anderson, Pharoah Sanders, Albert Ayler, mais aussi dit-elle par le punk, le rock, la soul, le folk et le classique, Matana Roberts signe avec Mississippi Moonchile le deuxième volet d’une oeuvre ambitieuse qui, si elle la mène à son terme, devrait compter douze chapitres. Entourée de Shoko Nagai au piano, de Jason Palmer à la trompette, de Thomson Kneeland à la contrebasse, de Tomas Fujiwara à la batterie et de Jeremiah Abiah dont la voix de ténor met en relief ses incantations, Roberts a enregistré son album en deux jours aux Systems II Studios, à Brook- lyn. Amma Jerusalem School, Was The Sacred Day, qui comprend un extrait du discours de la militante pour les droits civiques Fannie Lou Hammer à la Convention nationale démocrate de 68, Woman Red Racked et Thanks Be You constituent une parfaite introduction à cette formidable odyssée entre free jazz, blues et spoken word. Mississippi is a beautiful place…

JULIEN BROQUET

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