À bout de souffle

© TjaSa Gnezda

avec des jazzmen sud-africains, Shabaka and the Ancestors médite l’effondrement de nos sociétés. Un questionnement dans l’air du temps…

Alors qu’un virus teigneux et furieusement contagieux coupe le souffle à la planète, épingle la petitesse de l’Homme, fait trembler l’économie capitaliste, dénonce l’hypocrisie (et la logique marchande) du politique et remet en question le modèle de société qu’on s’est choisi (ou pas) dans de glaçantes effluves de crise sanitaire, le patron de la scène jazz londonienne sortait la semaine dernière avec We Are Sent Here by History un disque visionnaire aux allures de manifeste. Ce n’est pas avec The Comet is Coming, son trio de jazz électronique pour dancefloor, ou ses Sons of Kemet qui transpirent les influences caribéennes d’une adolescence vécue à la Barbade que Shabaka Hutchings réfléchit l’avenir. Quatre ans après avoir célébré avec eux la sagesse des anciens ( Wisdom of Elders), le saxophoniste et clarinettiste est de retour avec ses Ancestors pour pointer du doigt la fragilité de nos existences et de nos modes de vie. Enregistré à Johannesbourg et Cape Town avec son collectif de musiciens sud-africains, We Are Sent Here by History est une méditation sur notre effondrement et notre extinction future en tant qu’espèce. Un reflet depuis les ruines et l’incendie. Un questionnement sur les mesures à prendre pour préparer notre transition individuelle et sociale si l’on veut considérer la fin autrement que comme une défaite tragique.

À bout de souffle

Poème sonore et militant

They Who Must Die; Run, The Darkness Will Pass; Beast Too Spoke of Suffering; We Will Work (on Redefining Manhood); ‘Til the Freedom Comes Home ou encore Finally, the Man Cried… Les titres des onze nouvelles chansons de Shabaka and the Ancestors parlent d’eux-mêmes. Présenté comme un poème sonore, We Are Sent Here by History n’est pas un disque de jazz instrumental. C’est un album poétique et militant porté par la voix du chanteur Siyabonga Mthembu. Un appel à tout recommencer. À reconstruire le monde.  » À une époque comme la nôtre, où l’on assiste à l’effondrement de nombreuses institutions que nous pensions inébranlables, on a besoin de repenser la signification de la vie, du soutien ou du progrès« , déclarait l’Anglais. Dans un jazz sombre, spirituel et incantatoire emmené par le saxophone du champion et les polyrythmies fiévreuses du batteur Tumi Mogorosi, ces morceaux racontent la disparition de la pensée capitaliste, la fin de la suprématie blanche et l’effondrement des piliers archaïques de la virilité qui instaurent la masculinité toxique. Ce disque parle de ce moment après lequel la vie telle que nous la connaissons ne peut plus perdurer. Dans dix, 20 ou 30 ans, il incarnera, il faut l’espérer, une période de grands et humanistes bouleversements sociétaux plus que la BO d’une catastrophique épidémie mondiale.

Shabaka and the Ancestors

« We Are Sent Here by History »

Distribué par Impulse/Universal. Le 17/05 au Mithra Jazz (Liège), et le 18/07 au Dour Festival.

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