MGMT SE RÉINVENTE AVEC UN TROISIÈME ALBUM DE POP ALIEN AU PSYCHÉDÉLISME FUTURISTE.

Une écoute, une seule, dans les déprimants bureaux de Sony/BMG. Une interdiction formelle (vite boycottée par la presse française) de Twitter ou Facebooker le moindre commentaire sur l’album. Et tout ça alors que la moitié des titres sont déjà disponibles en vidéo de mauvaise qualité sur YouTube, puisque MGMT a depuis un bail testé ses nouveaux morceaux en concert… Sur ce coup-là, si le ridicule pouvait tuer, Sony Music aurait déjà été absorbé par Warner ou Universal. « Quand tu es sur un gros label, les choses prennent plus de temps entre le moment où tu finis d’enregistrer et celui où les gens peuvent avoir le produit fini en mains. On se devait de prendre quelques précautions pour éviter les fuites« , se contente de commenter début juillet, dans un hôtel parisien, Ben Goldwasser, le binoclard à bouclettes qui gère les samples et synthés de Management.

Congratulations, fomenté avec Sonic Boom (Spacemen 3) en 2010, a beau avoir laissé les auditeurs les moins aventureux sur le bord du chemin menant à sa pop psychédélique et tordue, ce troisième disque reste attendu. Pour preuve, le sold out de l’Ancienne Belgique le 27 septembre prochain. MGMT, ça a toujours été un peu le monde à l’envers. Les tubes et le succès, fulgurants, ont précédé les expériences plus barrées et expérimentales. Puis les deux Américains ont attendu leur troisième album pour lui donner le nom du groupe. « Je pense qu’on est vernis. Les hits d’Oracular Spectacular nous ont permis d’immédiatement bosser avec une grosse maison de disques et sa force de frappe. Ce qui est dur, voire impossible, pour un jeune groupe en qui les majors ne décèlent pas un potentiel commercial. Ça nous a ensuite permis de faire tout ce que nous désirions. Nous n’essayons pas de prendre nos distances vis-à-vis de quoi que ce soit. Nous n’avons aucun problème, aucune gêne, avec nos vieilles chansons. Nous nous amusons d’ailleurs toujours autant à les jouer. Nous suivons juste nos désirs. »

Ben Goldwasser et Andrew VanWyngarden, dont les destins sont unis depuis décembre 2002 et des nuits blanches à l’Université wesleyenne, dans le Connecticut, ont pour ce nouveau disque renoué avec les talents et le cerveau dérangé de Dave Fridmann (Mercury Rev, Flaming Lips), déjà producteur de leur premier album. « Nous n’avions pratiquement aucune base de travail. Nous nous sommes dit qu’il serait sympa d’aller bosser avec lui et de voir ce qu’il en sortirait. Dave était plutôt excité à l’idée que nous chipotions à des instruments et envisagions alors quelle direction emprunter. Les Flaming Lips ont un peu fonctionné de la sorte pour leur dernier disque. Ça a quelque chose de magique. »

Goldwasser et VanWyngarden ont beaucoup bricolé, expérimenté. Joué avec les machines, les rythmiques, la reverb et, c’est pas possible autrement, bouffé énormément de Smarties et de toasts aux champignons… « Sur Congratulations, on avait parfois abandonné des idées avant de les avoir complètement développées. Nous étions très critiques envers nous-mêmes. Cette fois, nous avons essayé de ne pas nous poser trop de questions. De donner une chance à tout ce qui nous passait par la tête. On a tout enregistré. Et après il a fallu réécouter, sélectionner, assembler. On avait parfois 45 minutes de musique qu’on devait transformer en une courte chanson pop. Un vrai puzzle géant. »

Puzzle sur lequel souffle par instants le psychédélisme des premiers Mercury Rev. Mais en version 2.0. « Je devrais les réécouter. Ça fait longtemps. Ce que j’aime chez Dave, c’est cette capacité à rendre mélodieuses des choses qui a priori ne le sont pas. A rendre beaux des éléments dissonants. Il est très fort quand il s’agit d’utiliser le bruit, la distorsion et de les musicaliser. Pour nous, la musique peut rester de la pop même si elle n’en respecte pas certains codes. Nos chansons demeurent dans bien des cas accessibles, amicales et accueillantes. Puis, sonner radio friendly n’est plus très important de nos jours. »

Introspection et Beat generation

Dans le but de « redescendre un peu sur terre pendant un processus d’enregistrement étrange« , dixit Dave Fridmann, les deux loustics ont enregistré une reprise. Une cover d’Introspection, petite perle de psychédélisme troussée par un guitariste de Long Island tellement obscur que, encore récemment, il n’avait pas droit à une notice Wikipedia. Sorti du plus cruel anonymat par le volume 8 des compilations Pebbles, Faine Jade n’a sorti qu’un album solo en 68. « A un moment où l’on séchait un peu, on s’est amusé à réinterpréter ce morceau qu’Andrew a découvert sur la mix-tape d’un pote et notre version collait à l’humeur de l’album… On ne s’est pas beaucoup référé à la musique des sixties dans notre manière de bosser sur ce disque mais c’est chouette qu’une chanson de la fin des années 60 se fonde aussi bien dans tous ces trucs qu’on a bâtis à l’ordinateur et aux synthés.  »

Astro-Mancy fait lui écho à Philip Lamantia, un poète surréaliste, consommateur de peyotl (un cactus hallucinogène) associé à la Beat generation et représenté sous les traits de David D’Angeli dans Anges de la désolation de Jack Kerouac. MGMT ne se trompe définitivement pas de route.

RENCONTRE Julien Broquet, À PARIS

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