le style et au-delà – La sortie de 4 de ses films en DVD met en lumière le talent singulier de Mauro Bolognini, esthète transalpin au sens aiguisé de la justesse.

1 Avec Rosanna Schiaffino, Laurent Terzieff, Jean-Claude Brialy. 1959. 1 h 30.

2 Avec Ottavia Piccolo, Antonio Falsi, Massimo Ranieri. 1971. 1 h 37.

3 Avec Claudia Cardinale, Bruno Cirino, Adolfo Celi. 1973. 1 h 44.

4 Avec Marcello Mastroianni, Françoise Fabian, Marthe Keller. 1975. 1 h 37. Ed. Carlotta, dist Twin Pics.

La postérité peut parfois se montrer ingrate. Prenez Mauro Bolognini (1922-2001), cinéaste italien majeur dont seuls ont trouvé grâce à ses yeux Il bell’Antonio, avec Mastroianni, La viaccia, avec Cardinale et Belmondo et, à la rigueur, L’eredita Ferramonti, le film qui, en 1976, devait valoir à Dominique Sanda un prix d’interprétation à Cannes. Coupable présumé de maniérisme outrancier, Bolognini est aujourd’hui presque oublié, en dépit d’une très estimable filmographie couvrant près de 4 décennies, du milieu des années 50 à la fin des années 80. C’est dire si la redécouverte posthume que permet l’édition en DVD de 4 de ses films est bienvenue, témoignant de la singularité du regard d’un esthète en quête de vérité.

De cela, Les garçons, qu’il tourne en 1959 d’après un scénario de Pasolini (dont le film anticipe le Accattone, et qui sera, au même titre que Moravia, l’un de ses collaborateurs privilégiés), apporte l’éloquente démonstration. On y suit, dans la ferveur de la nuit romaine, l’équipée de 2 petites frappes (Laurent Terzieff et Jean-Claude Brialy) tentant de monnayer le fruit d’un larcin et bientôt engagées dans une bordée sans lendemain. La caméra de Bolognini filme amoureusement ses protagonistes dans leur insolente jeunesse, pour une chronique au naturel réussissant à capter l’effervescence de l’instant.

Le cinéaste des femmes

Le réalisateur à l’£uvre dans Bubu de Montparnasse est le portraitiste de femmes -en l’occurrence Berta (Ottavia Piccolo), vendue par l’homme qu’elle aime qui lui intime de se prostituer, un destin auquel la syphilis achèvera de donner un tour tragique. Et un film où Bolognini substitue avec bonheur au Paris de Charles-Louis Philippe un collage de Rome, Milan et Turin, saisies dans la lueur picturale de l’aube -le réalisateur tournait en effet à la sauvette, faute de pouvoir payer les autorisations. Liberté, mon amour! est un autre portrait de femme, Libera Amore Anarchia (Claudia Cardinale, étincelante), volcanique militante anarchiste affichant bien haut le rouge de ses convictions dans l’Italie fasciste des années 30, n’en déplaise à son mari apeuré. L’ancrage politique du film va au-delà du destin de la femme, les exécutants zélés du fascisme devenant les fonctionnaires modèles de l’après Mussolini… Tourné 2 ans plus tard, en 1975, Vertiges porte le fer dans cette même plaie, sidérante plongée dans un hôpital psychiatrique interrogeant les mécanismes de diffusion de l’idéologie fasciste.

Ces 2 derniers films, par leur contexte historique, bien sûr, mais aussi par le recours éclairé aux images d’archives pour l’un, par son cadre pour l’autre, ne sont pas sans évoquer le formidable Vincere de Marco Bellocchio, sorti il y a quelques mois. On mesure, là encore, l’intérêt à se replonger dans l’£uvre d’un cinéaste que les introductions avisées de l’historien du cinéma Jean A. Gili, de même qu’un entretien-fleuve, viennent judicieusement replacer dans son contexte.

Jean-François Pluijgers

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