Rentrée littéraire: nos 50 romans favoris

Papier à lettres © Posy Simmonds - éditions Denoël 2019, dernier ouvrage paru: Cassandra Darke
Laurent Raphaël
Laurent Raphaël Rédacteur en chef Focus

C’est la rentrée littéraire. Parmi les 524 nouveaux romans en littérature française et traduite, sélection des 50 titres et auteurs qui ont toutes les raisons de faire parler d’eux, en long et en large.

77

Par Marin Fouqué, Actes Sud, 222 p.

Nouveau venu sur la scène littéraire, Marin Fouqué débarque en cette rentrée avec un premier roman très oral, consacré aux déboires adolescents d’un trio de gamins élevés comme mauvaise herbe sur les terres bâtardes du « sept-sept » – département de Seine-et-Marne trop éloigné de Paris pour en bénéficier des bienfaits, mais trop francilien pour jouir sereinement du statut de paisible zone rurale. Dans la veine du récent engouement éditorial pour des textes donnant la parole aux ressortissants des zones périurbaines, ce 77 diablement efficace ne laisse rien ignorer du goût prononcé de son auteur pour le rap et la prose poétique, et propose une langue et des considérations particulièrement rafraîchissantes.

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Archives des enfants perdus

Par Valeria Luiselli, éd. de l’Olivier, 480 p.

Née au Mexique en 1983, Valeria Luiselli vit aujourd’hui à New York. Ecrivaine inventive et engagée, celle qui rédige désormais en anglais avait déjà consacré un essai (Raconte-moi la fin) à son expérience d’interprète dans les tribunaux américains de l’immigration. Avec Archives des enfants perdus, elle retrouve le roman avec le récit du road-trip, à travers les Etats-Unis, d’un couple d’écrivains et de leur famille recomposée, partis sur les traces de ces enfants sud-américains perdus, jetés sur le territoire à la recherche d’une vie meilleure. Brouillant la frontière entre documentaire et fiction, l’un des livres les plus bouleversants de la rentrée.

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Automne

Par Ali Smith, Grasset, 237 p. A paraître le 4 septembre.

Ecrit en 2016, Automne de l’Ecossaise Ali Smith (trois romans finalistes du Booker Prize) prend pour objet Dianel Gluck, centenaire dont la vie est rythmée par le sommeil et les visites d’Elisabeth. Il est son ancien voisin; elle vient lui faire la lecture en souvenir d’une dette – dont la teneur est dévoilée au fil de flashbacks. La politique britannique (nous sommes au lendemain du référendum sur le Brexit) n’est pas le seul hors-champ d’un texte qui déborde constamment du cadre pour enchâsser les niveaux de narration, installer lignes de fuite et métaphores. L’écriture de Smith – audacieuse et sèche, réellement singulière – y est en soi une aventure.

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Bleuets

Par Maggie Nelson, éd. du Sous-sol, 106 p.

« Et si je commençais en disant que je suis tombée amoureuse d’une couleur. » Née en 1973, la poétesse, essayiste et critique d’art américaine Maggie Nelson écrit des livres inclassables. Après avoir enquêté sur la mort de sa tante dans Une partie rouge, après avoir réinventé le concept de couple et de famille dans Les Argonautes, elle propose avec Bleuets un nouveau petit objet hybride et précieux. Explorant les interstices entre essai philosophique, autobiographie et poème, elle travaille à y décliner, en près de 250 fragments, les images et sensations conduites par la couleur bleue – deuil, sentiment amoureux, mélancolie… Un refuge contre la laideur et les paresses du monde.

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Ce qu’elles disent

Par Miriam Toews, éd. Buchet-Chastel, 240 p.

Ce qu’elles disent est le huitième roman de l’auteure canadienne, mais probablement celui qui fera date, au vu du contexte de nécessaire libération de la parole. S’inspirant de faits réels (des viols à répétition dans la communauté mennonite de Manitoba entre 2005 et 2009), Miriam Toews remet avec brio les rênes de leur existence dans les mains de huit femmes de Molotschna. Ayant pris conscience que leurs agresseurs n’étaient pas des démons mais des membres du clan, ces dernières vont, à l’insu des hommes, interroger philosophiquement l’évènement, se dotant d’un vif esprit critique naissant en même temps que des moyens de s’échapper.

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Cora dans la spirale

Par Vincent Message, éd. du Seuil, 464 p.

Il avait remporté en 2016 le prix Orange du Livre pour son ambitieuse fable animaliste Défaite des maîtres et possesseurs. Avec Cora dans la spirale, son troisième roman publié en dix ans, Vincent Message expose la sombre destinée d’une salariée de compagnie d’assurances, broyée entre des rêves inaccessibles et un capitalisme de plus en plus sauvage, irrespirable sous son air bonhomme. Dans une langue si élégante qu’on lui cherche parfois en vain des aspérités, ce très bon élève des lettres françaises (par ailleurs cofondateur d’un master de création littéraire) prend ici prétexte d’une trajectoire individuelle pour proposer un texte très politique, efficace à défaut de susciter un vertige littéraire.

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Dans la fureur du monde

Par Chris Kraus, Flammarion, 300 p.

Réalisatrice, éditrice, l’Américaine Chris Kraus a vu sa réputation exploser avec I Love Dick (2016 en français), et, bien sûr, son adaptation en série télé. Devenu culte, le livre, qui explorait un triangle amoureux à la frontière de l’essai (sur l’art et le féminisme) et de l’autobiographie, se voit en quelque sorte prolongé aujourd’hui par Dans la fureur du monde. Présidant à la rencontre entre une intellectuelle californienne précaire reconvertie dans l’immobilier et un ex-taulard d’Albuquerque, il est un nouvel objet de réflexion sur le désir féminin, les transgressions possibles et les disparités de la société américaine.

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De pierre et d’os

Par Bérengère Cournut, éd. Le Tripode, 219 p.

Après nous avoir fait découvrir la culture du peuple amérindien Hopi dans Née contente à Oraibi, la Française Bérengère Cournut réaffirme sa position inédite au carrefour de l’ethnographie, du roman et de la poésie avec De pierre et d’os, un livre écrit lors d’une résidence au sein des bibliothèques du Muséum national d’histoire naturelle de Paris. On y suit l’apprentissage et les errances d’une jeune femme inuit tragiquement séparée de sa famille après une fracture de banquise. Littéralement hantée par les esprits, les chants, la blancheur et la beauté inouïe des lieux, une ode à l’Arctique, à la féminité et à une culture nomade millénaire.

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Eloge des bâtards

Par Olivia Rosenthal, éd. Verticales, 336 p.

Auteure d’une oeuvre mouvante tant romanesque (Que font les rennes après Noël? On n’est pas là pour disparaître, Mécanismes de survie en milieu hostile) que théâtrale et performeuse, Olivia Rosenthal occupe cette fois le terrain avec neuf personnages entrés en désobéissance (à la façon des zadistes), aussi bien craqueurs de codes que protecteurs des derniers espaces de possibles ou saboteurs idéalistes. Très en résonance avec notre monde actuel vertical et sous surveillance, Eloge des bâtards crée, cinq jours durant, une étendue ouverte à la pluralité de ces voix dissidentes, devant se jouer urgemment d’une menace inconnue.

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Gaeska (La Bonté)

Par Eiríkur Örn Norðdahl, éd. Métailié, 272 p. A paraître le 5 septembre.

S’il est également poète et traducteur, nous avions surtout découvert le subversif auteur islandais Eiríkur Örn Norðdahl avec le vertigineux Illska, sur fonds d’obsession d’une chercheuse pour l’Holocauste et Heimska, dystopie de l’ultrasurveillance. Il nous revient avec une fiction spéculative poil à gratter: un député conservateur se réveille soudain dans une Islande en proie à des bouleversements sans précédent, depuis des tempêtes de sable jusqu’à des tentatives abusives d’intégration des étrangers. Et si les femmes se mettent soudain à gouverner, à quoi d’autre peut-il s’attendre?

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Girl

Par Edna O’Brien, éd. Sabine Wespieser, 256 p. A paraître le 5 septembre.

L’immense dame des lettres irlandaises, lauréate du prix PEN/Nabokov 2018, frappe à nouveau juste et bien après Tu ne tueras point ou Les Petites Chaises rouges. S’éloignant de cette Irlande rurale et parfois rétrograde qui a fait le canevas troué de violence et de doutes de ses précédents textes, elle s’insère à la première personne dans les pas d’une adolescente nigériane enlevée par Boko Haram et mariée de force à un djihadiste. Avec l’urgence nécessaire à l’horreur et à la peur, Edna O’Brien nous offre une nouvelle figure magnifique de femme d’une résilience extrême et lumineuse, qui s’ouvre enfin à la nécessité de (se) dire.

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Ici n’est plus ici

Par Tommy Orange, Albin Michel, 342 p.

Originaire d’Oakland (Californie), Tommy Orange est la nouvelle sensation des lettres amérindiennes. A travers douze personnages en proie au doute identitaire, entre santé mentale vacillante, familles en question et problèmes d’addiction, Orange donne à lire le legs douloureux des peuples autochtones. En prenant aussi appui sur deux inserts non fictionnels (vrais brûlots manifestes), Ici n’est plus ici, roman aussi noir que touchant, rappelle avec force combien l’Amérique devrait composer son histoire avec des narrations bien davantage plurielles et combien il est urgent de se départir de l’unique vision de l’Indien colloqué en réserve.

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Jour de courage

Par Brigitte Giraud, Flammarion, 160 p.

Artiste multiforme dotée d’une très grande finesse d’observation, la romancière, novelliste et dramaturge Brigitte Giraud, par ailleurs éditrice chez Stock et rompue aux collaborations musicales, publiait en 2017 le fascinant Un loup pour l’homme. Dans Jour de courage, elle tisse une relation intime entre deux personnages pourtant distants de près d’un siècle: le jeune Livio, homosexuel de 17 ans confronté aux affres du coming out à notre époque, et le médecin Magnus Hirschfeld, combattant féministe et pour les droits des homosexuels au début du XXe siècle, à une époque où ces problématiques suscitaient tour à tour indifférence ou hystériques anathèmes.

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Lanny

Par Max Porter, éd. du Seuil, 241 p.

Un village non loin de Londres. Y cohabitent plus ou moins harmonieusement anciens habitants et citadins ayant fui la ville. Parmi ces derniers, le couple Jolie-Robert, dont le fils Lanny est un enfant un peu étrange. Toujours caché dans les bois, il semble communiquer avec la nature. Pete le Dingue, peintre paria du coin, se prend d’affection pour ce garçon sensible à l’imagination fertile. Tout comme le Père Lathrée Morte, créature légendaire qui veille jalousement sur les lieux. Le jour où Lanny disparaît, les mauvaises langues se délient. Comme dans La douleur porte un costume de plumes, l’Anglais Max Porter tapisse de merveilleux ce conte écologique au puissant parfum de humus.

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La Chaleur

Par Victor Jestin, Flammarion, 144 p.

Léonard, 17 ans, passe ses vacances avec ses parents, son frère et sa soeur dans un camping des Landes. Une épreuve en soi pour ce garçon timoré écoeuré par la vulgarité ambiante. Mais un véritable enfer depuis qu’un soir il a vu un autre jeune se pendre avec la corde d’une balançoire, et a décidé d’enterrer le corps sur la plage comme pour ensevelir sa propre lâcheté. Alors que la canicule s’installe, que l’ambiance dans les travées devient de plus en plus pesante, Léonard navigue à vue entre ses tourments intérieurs et la consolation brève mais puissante d’une histoire d’amour inespérée. Un premier roman sensuel et impitoyable sur la fin de l’innocence.

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La Fracture

Par Nina Allan, éd. Tristram, 406 p.

Déjà porteuse en traduction française de deux recueils (dont le très futé Complications) et deux romans (Spin, La Course), l’auteure britannique Nina Allan impressionne à nouveau avec La Fracture. Imaginez deux soeurs autrefois liées. A l’adolescence, Julie, l’aînée, disparaît sans laisser de traces. Vingt ans – et un drame – plus tard, la voici qui réapparaît dans la vie de sa cadette Selena, prétextant un curieux enlèvement. Peut-on se fier à celle que même sa mère peine à reconnaître? Hybridant avec grâce et mélancolie codes de la fiction spéculative, roman familial, et tension constante d’une narration questionnable, ce roman nous fascine autant que les films Mysterious Skin ou Pique-nique à Hanging Rock.

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La Jumelle H

Par Giorgio Falco, éd. Verdier, 384 p. A paraître le 5 septembre.

Né dans la banlieue de Milan, collaborateur culturel de La Repubblica et auteur de plusieurs romans, Giorgio Falco reçoit ici sa première traduction française mais gageons que ce texte térébrant, multiprimé dans son pays, ouvrira des portes à celui pour qui « la littérature doit disloquer […], montrer ce qui n’a pas été vu ». Dans La Jumelle H, Hilde et Helga, filles d’un journaliste nazi désormais tenancier d’une pension de famille sur les côtes de Romagne, interrogent en alternance le devoir de mémoire, l’ambiguïté de la reconstruction, la position trouble de l’Italie, et toutes les zones grises de la vie d’un homme qui fait peser un poids sur leurs destins.

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La Mer à l’envers

Par Marie Darrieussecq, éd. P.O.L, 256 p.

Depuis sa révélation avec Truismes en 1996, Marie Darrieussecq est une écrivaine très suivie. Prix Médicis et Prix des Prix en 2013 pour Il faut beaucoup aimer les hommes, son oeuvre est l’une des plus traduites. Centré sur la rencontre fortuite entre Rose, psychologue parisienne effectuant une croisière avec ses enfants sur la Méditerranée, et Younès, Nigérian qui se bat pour rejoindre l’Angleterre, son nouveau texte est un incontournable de la rentrée. A travers une histoire humaine qui sait rester particulière, Darrieussecq questionne, non sans humour, la texture complexe des relations d’aide, la question de la dignité et le temps que dure le courage. Une réussite.

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La Tentation

Par Luc Lang, Stock, 358 p.

Auteur de onze romans, dont Mille six cent ventres, prix Goncourt des lycéens, et Au commencement du septième jour, le Français Luc Lang part chasser sur les terres du roman noir. Au moment où il va abattre un cerf magnifique, François, chirurgien, la cinquantaine, hésite. Quand la porte du relais de chasse s’ouvre sur ses enfants, que peut-il leur transmettre? Son fils, trader à New York, a l’avidité du fauve. Sa fille, amoureuse éperdue, n’est plus qu’une bête traquée. Démarrant sur une scène comme surgie de The Deer Hunter, le chef-d’oeuvre de Cimino, Lang électrise une histoire de la violence intime et sociétale pour dire le monde qui bascule.

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La Vie en chantier

Par Pete Fromm, éd. Gallmeister, 384 p. Sortie le 5 septembre.

Le scénario aurait pu alimenter un tire-larmes vite lu vite oublié: Marnie et Taz sont jeunes, ils s’aiment, rient et travaillent ensemble. Quand Marnie tombe enceinte, le couple est un peu secoué mais bien décidé à relever le défi malgré des moyens modestes. Le rêve sera toutefois de courte durée: La jeune femme meurt en couches, laissant Taz anéanti et tiraillé entre deux sentiments contradictoires – la douleur du deuil et la joie de la paternité. Il fallait la patte sensible de Pete Fromm (Indian Creek) pour hisser ce drame au-dessus des pâquerettes sentimentalistes. Une question de regard, de sincérité, de poésie et de respiration. Un don naturel pour cet ancien ranger habitué aux grands espaces du Montana…

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Le Coeur de l’Angleterre

Par Jonathan Coe, Gallimard, 560 p.

Avec Le Coeur de l’Angleterre, le drolatique romancier britannique met un point final à sa trilogie (Bienvenue au Club, Le Cercle fermé). C’est le contexte qui a suivi le vote de sortie de la Grande-Bretagne de l’Europe en 2016, infusé de tristesse et de colère, qui lui a donné envie de reconvoquer ses personnages phares, suivis depuis l’adolescence. Désormais quinquas, Benjamin Trotter et ses amis tentent de s’accrocher au vrai fil d’une vie mais sont parachutés dans cette Angleterre en pleine crise qui les questionne autant qu’elle crée des tensions internes. Entre désillusions et humour, Coe ne tranche pas, et on lui sait gré de ce dosage salutaire.

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Le Continent de la douceur

Par Aurélien Bellanger, Gallimard, 498 p.

Dans son premier roman, La Théorie de l’information, Bellanger épatait en croquant la France post-Minitel. Adoubé illico « Houellebecq 2.0 », il incarne sans rougir ni se démonter l’écrivain libéral parfait. Après la France (L’Aménagement du territoire, Le Grand Paris), le voici qui fond sur l’Europe, Atlantide inachevée. Soit les mythes de la construction européenne vus au travers de la principauté fantastique du Karst, anomalie géographique des Alpes, où une banquière, un écrivain maudit et un clone de BHL enquêtent sur un mathématicien révolutionnaire. Du Bellanger pur jus, dans toute sa démesure: un roman monstre à l’ambition dévorante.

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Le Ghetto intérieur

Par Santiago H. Amigorena, éd. P.O.L, 192 p.

Voilà un peu plus de vingt ans que le plus proustien des écrivains argentins-français (il est né à Buenos Aires en 1962) s’est lancé dans la construction d’un ensemble romanesque digne d’une cathédrale. Le Dernier Livre, intitulé général de ce gigantesque projet de mémoire et d’autofiction mêlées, est constitué de six parties et de leurs ramifications, suppléments et annexes. Avec Le Ghetto intérieur, Amigorena en signe sans doute le volume source. Le livre est une enquête sur les raisons du silence de son grand-père Vicente Rosenberg, Juif ayant fui la Pologne pour Buenos Aires, et dont la mère restée au pays mourra dans le ghetto de Varsovie. Un texte magnifique, très goncourisable.

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Le Nom secret des choses

Par Blandine Rinkel, Fayard, 304 p.

Il y a deux ans, son premier roman L’Abandon des prétentions avait été remarqué. La même année, Blandine Rinkel avait signé, avec son collectif artistique Catastrophe, un essai optimiste intitulé La Nuit est encore jeune, prenant le parfait contre-pied du cliché tenace considérant la jeunesse comme résignée et apathique. Dans ce nouveau roman au titre énigmatique, presque cabalistique, la jeune romancière française raconte l’amitié sous tension entre Elsa et Océane, jeune « débarquée » de province à Paris qui s’apprête à s’inventer une vie en commençant par se rebaptiser… Blandine. Une voix à suivre, qui gagne en puissance.

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Le Temps de la haine

Par Rosa Montero, éd. Métailié, 357 p.

Deux tendances de la rentrée littéraire pour le prix d’une dans ce nouveau livre de la Madrilène Rosa Montero (La Chair), soit le troisième volet d’une série mettant en scène la détective privée Bruna Husky: d’abord une auteure qui s’affranchit des conventions et du thriller psychologique bourgeois, ensuite, une littérature de genre qui n’est plus considérée comme telle. Le récit d’anticipation se déroule à Madrid en 2110, dans un monde qui paie cash nos errements contemporains: réchauffement climatique, transhumanisme, terrorisme, pauvreté, ultracapitalisme, guerres… Notre réalité, juste un pas plus loin, dans un récit aussi déprimant que haletant.

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Les Altruistes

Par Andrew Ridker, éd. Rivages, 432 p.

Tiraillés entre leur individualisme et leur envie de laisser une trace dans le monde, les membres de la famille Alter naviguent à vue entre cynisme et puérilité, surtout depuis le décès de la mère, boussole morale de la tribu. Le père, qui a dû revoir ses rêves de bienfaiteur de l’humanité après un fiasco en Afrique, ne se gêne pas pour rameuter ses enfants perdus de vue dans l’espoir de leur soutirer de l’argent pour la maison qu’il n’arrive plus à payer. Quant à Ethan et Maggie, ils pataugent dans une culpabilité d’enfants privilégiés qui a conduit l’un à une dépression chronique et l’autre à s’épuiser dans le bénévolat. Ces anti-héros s’agitent, se débattent, s’enlisent au fil d’une farce assaisonnée d’humour caustique. Si David Lodge était américain, il s’appellerait probablement Andrew Ridker.

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Les Petits de Décembre

Par Kaouther Adimi, éd. du Seuil, 256 p.

Ayant grandi entre la France et l’Algérie, Kaouther Adimi s’est établie à Paris depuis dix ans, et la rédaction de son premier roman L’Envers des autres (Actes Sud, 2011), lauréat du Prix littéraire de la vocation. En 2017, elle publiait Nos richesses, un roman profondément marqué par ces allers-retours entre les deux pays, notamment à travers la figure tutélaire d’Edmond Charlot, libraire et éditeur de la première moitié du XXe siècle. Ses Petits de Décembre expriment, avec élégance et sous la forme d’une sorte de conte métaphorique, la révolte d’une jeunesse algérienne contre les passe-droits des tout-puissants généraux.

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Mécanique de la chute

Par Seth Greenland, éd. Liana Levi, 667 p.

L’Américain Seth Greenland n’est pas Tom Wolfe, mais sa Mécanique de la chute fait tout de même immédiatement penser à une version 2.0 du Bûcher des Vanités, soit le récit ample et tristement américain de la chute d’un puissant, Jay Gladstone, Juif à la tête d’un énorme empire financier à qui tout souriait, mais que les hasards, les ambitions et les fake news bien de son temps vont plonger dans l’abîme. Plus distancié et moins féroce que son modèle, ce Bûcher du XXIe siècle vaut surtout pour la manière dont il décrit les rapports, complexes, entre Noirs et Juifs aux Etats-Unis alors que Barack Obama entamait son second mandat. Glacial mais brillant.

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Mon année de repos et de détente

Par Ottessa Moshfegh, Fayard, 304 p.

Les Américains l’ont accueilli comme « le meilleur roman existentialiste par un écrivain non français ». Née à Boston d’un père iranien et d’une mère croate, Ottessa Moshfegh avait déjà reçu le PEN/Hemingway Award pour Eileen. Elle a beaucoup fait parler d’elle avec Mon année de repos et de détente. A l’aube des années 2000, une jeune New-Yorkaise privilégiée décide d’hiberner une année entière hors de toute ambition sociale, amoureuse ou professionnelle à l’aide de cachets. Un roman morbide et hilarant, dont l’héroïne rejoint la famille des démissionnaires magnifiques déjà formée par l’Oblomov de Gontcharov et le Bartleby de Melville.

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Nouvel An

Par Juli Zeh, Actes Sud, 189 p. A paraître le 4 septembre.

C’est déjà le neuvième livre de l’Allemande Juli Zeh, juriste de formation, propulsée sur la scène littéraire européenne en 2004 avec le choc La Fille sans qualités, comédie de moeurs malsaine prenant pour cadre un lycée privé de Bonn. Son nouveau roman se passe sur l’île de Lanzarote, où une petite famille de Göttingen prend ses quartiers d’hiver. C’est le père, Henning, qui en a eu l’idée. Parti affronter une montagne à vélo le 1er janvier, Henning remonte son histoire de paternité subie et fait la somme de ses renoncements existentiels, jusqu’à retrouver le fil d’un épisode traumatique. Un thriller psychologique et familial inconfortable à souhait.

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Ordinary People

Par Diana Evans, éd. Globe, 400 p. A paraître le 11 septembre.

L’un des meilleurs livres de 2018 selon The New Yorker. Danseuse avant de se consacrer à l’écriture, Diana Evans est née dans la banlieue de Londres. Après 26a, et Shango, elle construit dans Ordinary People les portraits en miroir de deux couples de quadragénaires multiraciaux de la middle class britannique au bord de la rupture. Au fil de scènes très quotidiennes, elle interroge la vie conjugale confrontée à la parentalité et à l’usure des relations longue durée, mais aussi aux vexations de la vie matérielle (qu’est-ce qu’aimer au temps du capitalisme et de la crise?). Le roman est accompagné d’une BO, disponible sur Spotify.

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Querelle

Par Kevin Lambert, éd. Le Nouvel Attila, 256 p.

Entré en écriture à 24 ans avec l’incisif Tu aimeras ce que tu as tué, le Québécois Kevin Lambert continue sur sa lancée corrosive avec Querelle. Toujours ancré dans le Saguenay-Lac-Saint-Jean (territoire d’eau et de forêts), ce roman halluciné à la crudité poétique mémorable donne à lire une insurrection ouvrière dans une scierie sous le prisme de la désaliénation des consciences comme des corps. Le romancier y emprunte ouvertement son homme-allumette révélateur de désirs enfouis à Genet et y joint Jézabel, pendant féminin à la rébellion assumée, poussant le curseur de la lutte contre la normativité et le libéralisme à son paroxysme.

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Rouge impératrice

Par Léonora Miano, Grasset, 608 p.

D’origine camerounaise, Léonora Miano bâtit depuis 2005 et L’Intérieur de la nuit, une oeuvre d’une indéniable cohérence, régulièrement primée (prix Goncourt des Lycéens pour Contours d’un jour qui vient, prix Femina pour La Saison de l’Ombre), au sein de laquelle les relations complexes entre l’Afrique et l’Europe sont envisagées sous un oeil nouveau, aussi constructif que combatif. Dans Rouge impératrice, elle imagine une nouvelle puissance africaine implantée au XXe siècle, qui doit gérer autour d’une romance scandaleuse au sommet de l’Etat la question des remuants Fulasi, immigrés français crispés sur leur fantasmagorique identité. Un merveilleux nouveau jalon pour étayer une déjà solide carrière.

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Souvenirs de l’avenir

Par Siri Hustvedt, Actes Sud., 336 p. A paraître le 4 septembre.

En 1978, S. H. quittait son Minnesota natal une machine à écrire sous le bras pour s’installer classiquement à New York, « en quête du héros de son premier roman ». Ecrit quarante ans plus tard par une Siri Hustvedt devenue la romancière que l’on sait (Tout ce que j’aimais, Un été sans les hommes), Souvenirs de l’avenir superpose les époques en convoquant, assortis de ses commentaires d’aujourd’hui, des extraits du journal intime qu’elle tenait alors (sa fascination pour sa mystérieuse voisine de palier) autant que des fragments du roman sur lequel elle planchait naïvement. Un livre prenant, qui fait dialoguer une vocation d’écrivain à travers les décennies.

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Tous les hommes n’habitent pas le monde de la même façon

Par Jean-Paul Dubois, éd. de l’Olivier, 252 p.

S’il a depuis quelques années ralenti le rythme de ses parutions, le discret Jean-Paul Dubois, lauréat en 2004 du prix Femina pour Une vie française, revient en cette rentrée satisfaire sa solide communauté de lecteurs avec un roman dont le titre renoue avec son goût occasionnel pour la rallonge. Soit l’histoire du très sensible et passionné Paul Hansen, ancien homme à tout faire d’une résidence canadienne, qui raconte dans le détail, et depuis la geôle qu’il partage désormais avec un sociopathe, l’édifiant parcours qui l’a mené là. Comme toujours avec Dubois, c’est magistral dans sa simplicité apparente, un poil désespéré sous un réjouissant vernis fantaisiste.

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Tous tes enfants dispersés

Par Beata Umubyeyi Mairesse, éd. Autrement, 256 p.

Après deux recueils de nouvelles (Ejo, Lézardes) et un de poésie (Après le progrès), Beata Umubyeyi Mairesse, marquée par sa propre expérience de fuite du Rwanda en 1994, signe un premier roman bouleversant qui interroge les identités plurielles et la difficulté des reconstructions familiales. Blanche, la fille, s’est exilée avant l’horreur et installée à Bordeaux. Immaculata, la mère, s’est accrochée à sa terre natale exsangue. Bosco, le demi-frère, est resté à jamais dans les limbes d’une guerre intérieure. Est-il possible de ressouder ce qui a été atomisé? Et que transmettre à ceux qui sont les héritiers de ce stigmate?

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Un mariage américain

Par Tayari Jones, Plon, 432 p.

Un mariage américain, quatrième roman poignant de Tayari Jones (premier traduit), est de ces livres bardés (à raison) de recommandations, depuis la liste d’été d’Obama en 2018 jusqu’au Women’s Prize for Fiction en 2019. Roy et Celestial, couple afro-américain prospère, ont la bague au doigt depuis peu. Accusé à tort de viol par une femme qu’il avait aidée lors d’un séjour dans un motel, Roy se retrouve emprisonné et voit son mariage lentement se déliter, de lettre en lettre. Si le roman se veut davantage intime que politique, impossible de ne pas voir ici une résonance avec l’affaire Emmett Till ayant inspiré Harper Lee pour Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur.

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Un livre de martyrs américains

Par Joyce Carol Oates, éd. Philippe Rey, 864 p. Sortie le 5 septembre.

Infatigable Joyce Carol Oates qui sonde, une fois encore, l’âme tourmentée de l’Amérique dans ce nouveau roman. Et quel roman! Puissant, habité, incandescent, Un livre de martyrs américains démonte la mécanique psychique qui a conduit Luther Dunphy, père rongé par la culpabilité depuis le décès accidentel d’une de ses filles, à assassiner un « médecin avorteur » dans une petite ville de l’Ohio le 2 novembre 1999. Le génie de Oates consiste à s’immerger dans la tête de cet homme persuadé d’accomplir la volonté de Dieu. Mais aussi dans celle des proches du meurtrier et de sa victime, pris en étau entre leurs convictions et un après au goût de cendres. Une tension électrise ces 864 pages pleines de fureur, de larmes et d’humanité. Sans aucun doute l’un des grands romans de la rentrée.

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Une bête au Paradis

Par Cécile Coulon, éd. L’Iconoclaste, 352 p.

Petite virtuose des lettres françaises consacrée à raison depuis 2010, la jeune Clermontoise bientôt trentenaire Cécile Coulon a publié cinq romans chez Viviane Hamy, ainsi que l’an dernier un recueil de poésie très remarqué, Les Ronces (Castor Astral). C’est désormais chez L’Iconoclaste que paraît Une bête au Paradis, un roman dans la droite ligne de ses Trois saisons d’orage – soit une saga familiale, au style bien plus sage que dans ses premiers romans, centrée sur des femmes fermement attachées à un bout de terrain. L’occasion pour celle qui est aussi l’auteure de l’essai Les grandes villes n’existent pas d’encore questionner la dualité ville/campagne.

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Une joie féroce

Par Sorj Chalandon, Grasset, 320 p.

Lauréat du prix Albert-Londres en 1988, ce journaliste émérite a accumulé les distinctions depuis son entrée en littérature, que le cadre de ses romans se situe dans un village français (Une Promesse, prix Médicis), en Irlande du Nord (Mon traître, puis Retour à Killybegs, Grand Prix du roman de l’Académie française) ou au Liban (Le Quatrième Mur, prix Goncourt des Lycéens). Dans Une joie féroce, il abandonne le terrain autobiographique pour décrire la trajectoire heurtée de Jeanne, charmante jeune femme discrète qui, touchée par le cancer, va apprendre à s’affirmer. Si Sorj Chalandon a toujours brillé par sa délicate sensibilité, la justesse de son regard, il force parfois ici le trait du mélodrame.

Rentrée littéraire: nos 50 romans favoris

Une partie de badminton

Par Olivier Adam, Flammarion, 384 p.

Olivier Adam (Je vais bien, ne t’en fais pas, Des vents contraires) renvoie son double romanesque dans les filets de la côte bretonne. Revenu tête basse après avoir goûté aux mirages du monde littéraire parisien, Paul gratte un emploi inespéré dans le canard local. Pendant ce temps, sa vie conjugale prend l’eau et la marée lui ramène des oursins plein les poches. « Il était pourtant prévenu: un jour ou l’autre, on doit négocier avec la loi de l’emmerdement maximum. » Si certains revers liftés laissent poindre un humour acide, le rythme des échanges s’enlise au milieu des marqueurs de l’époque (Netflix, Macron, les campements de réfugiés)… Penser à muscler son jeu!

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Week-end à New York

Par Benjamin Markovits, éd. Christian Bourgois, 400 p. A paraître le 12 septembre.

Sur un thème pourtant éculé de la littérature américaine, la famille, Benjamin Markovits réussit à faire entendre une voix singulière en laissant affleurer ces petites failles invisibles à l’oeil nu qui menacent la structure d’une tribu en apparence soudée et aimante. Comme ils en ont l’habitude, les Essinger se retrouvent à Manhattan à la veille de l’US Open auquel participe Paul, joueur en fin de carrière. Sous un ciel grincheux, les heures défilent, rythmées par les questionnements, regrets, projets et frustrations des parents, des frères et de la soeur, révélant peu à peu la complexité des relations intrafamiliales sur le mode « je t’aime moi non plus ». Une comédie mélancolique et tranchante comme un passing-shot.

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Zébu Boy

Par Aurélie Champagne, éd. Monsieur Toussaint Louverture, 256 p.

Aurélie Champagne (1978) a 20 ans quand elle part à Madagascar en quête de ses origines. Elle découvre un pays qu’elle racontera à travers une nouvelle qui deviendra un roman, son premier. Madagascar, 1947, l’insurrection gronde contre le pouvoir colonial. Le peuple reprendra la terre sacrée des ancêtres… Parmi eux, Ambila surnommé Zébu Boy. En 1940, il s’était retrouvé comme trois mille Malgaches dans les Ardennes, mitrailleur d’infanterie coloniale sur la ligne Maginot. A quoi lui sert cette citoyenneté promise « aux combattants de la Très Grande France »? Un texte habité sous une braise poussiéreuse, entre les flashs animistes au milieu de la brousse en feu.

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LES BELGES

Blues pour trois tombes et un fantôme

Par Philippe Marczewski, éd. Inculte, 250 p.

Après plus de quinze ans à la barre de l’excellente librairie Livre aux trésors à Liège, Philippe Marczewski s’autorise un nouveau chapitre. C’est toujours dans la Cité ardente qu’il niche cette non fiction intime et documentée, tendre et rosse à la fois. A Liège, où « on se déchire entre l’envie de fuir la ville pour ce qu’elle est et celle d’y rester pour ce qu’elle pourrait être », à flanc de terril ou en côtoyant la Meuse, il arpente le paysage en enfant du pays lucide de ses disgrâces et repeint les ruelles avec la voix smooth de Chet Baker.

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Databiographie

Par Charly Delwart, éd. du Seuil, 352 p.

Peut-on résumer sa vie en chiffres? C’est le pari un peu fou relevé avec brio par Charly Delwart. Exploitant l’inépuisable gisement des « little data » – nombre de paires de chaussures possédées par type, de cadeaux annuels moyens reçus et offerts, de dents intactes, arrachées ou modifiées… -, cette Databiographie établit le cadastre d’un homme occidental du XXIe siècle tout en interrogeant la pertinence de cette objectivation de l’être. Le résultat est étourdissant, à mi-chemin de l’essai sociologique et de l’expérimentation littéraire.

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Deux kilos deux

Par Gil Bartholeyns, éd. Lattès, 300 p.

Western ardennais dans les hautes Fagnes, Rundskop wallon qui aurait remplacé les bovins par des poules, ou roman sur la condition humaine autant qu’animale avec un patron de bistrot qui aime réciter du Walt Whitman? On ne sait encore que dire précisément de ce premier roman de Gil Bartholeyns, si ce n’est qu’il devrait faire du bruit, au moins autant qu’une équarrisseuse: Deux kilos deux, c’est le poids d’abattage des poulets; une quantité et un chiffre symptomatiques de la déshumanisation des élevages intensifs.

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Feel good

Par Thomas Gunzig, éd. Au Diable Vauvert, 399 p.

Alice n’est pas pauvre mais « tout juste », ce qui revient au même. Tom, lui, n’est pas le génie de la littérature qu’il espérait. Elle va enlever un enfant riche pour obtenir une rançon, avant qu’il ne la pousse à écrire un « Feel Good Book » qui les sortira tous les deux de l’ornière… Dit comme ça, on ne perçoit sans doute ni l’humour ni les fulgurances de cette satire sociale (et littéraire); écrit par Thomas Gunzig, le propos devient tout de suite plus limpide, entre un Bret Easton Ellis qui serait capable de se marrer, et une Katherine Pancol qui aurait enfin de la chair et des taches sur sa chemise.

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La Clé USB

Par Jean-Philippe Toussaint, éd. de Minuit, 190 p.

Pour son vrai grand retour à la fiction depuis le cycle romanesque M.M.M.M. qui l’aura occupé dix ans (Fuir, Faire l’amour, La Vérité sur Marie, Nue), Jean-Philippe Toussaint surprend avec un récit empruntant ses codes et sa langue au roman d’espionnage. A Bruxelles, un employé de la Commission européenne chargé de questions de prospective stratégique et de cybersécurité (sa tâche consiste, en gros, à préparer l’avenir) pense mettre au jour une gigantesque affaire de transaction frauduleuse le menant jusqu’en Chine. L’histoire d’un narrateur qui, illusionné par les contours dangereux d’une aventure fantasmée, ne voit pas venir celle, autrement vertigineuse, qui l’attend.

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Les Yeux rouges

Par Myriam Leroy, éd. du Seuil, 187 p.

Bien connue des auditeurs de La Première, la journaliste et dramaturge Myriam Leroy avait signé l’an dernier un premier roman intitulé Ariane, récit consacré aux relations explosives entre deux adolescentes belges dans les années 1990 (nommé pour le prix Rossel et le prix Goncourt du Premier roman). C’est au Seuil qu’elle publie son nouvel ouvrage, tout entier dédié aux débordements, violences et déraisons des échanges, fascinations et anathèmes à l’ère des réseaux sociaux. Une thématique très contemporaine que la romancière explore sans fard ni détours, traduisant l’angoisse par un rythme oppressant.

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Soif

Par Amélie Nothomb, éd. Albin Michel, 160 p.

Le corps, l’expiation, les machinations, la pulsion de mort: Amélie Nothomb s’empare de la figure de Jésus pour son nouvel opus, le chemin de croix rassemblant sans aucun doute des thématiques qui lui sont chères. Soif est un monologue intérieur progressant à coups d’aphorismes définitifs et de métaphores (gentiment) provocantes: ceux qui suivent annuellement Nothomb la verront quitter l’univers des huis clos malsains pour une (très brève) échappée « historico-métaphysique » sur le thème de l’incarnation et de la foi. Difficile pourtant de ne pas voir la rapidité, les répétitions lourdes et les recettes de l’entreprise.

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