Critique | Livres

Quatre yeux

Laurent Raphaël
Laurent Raphaël Rédacteur en chef Focus

RÉCIT AUTOBIOGRAPHIQUE | L’adolescence est un peu le fonds de commerce de la BD indépendante. De Charles Burns à Max de Radiguès en passant par David B, ce boyau émotionnel voit défiler tous les adeptes de la spéléo narrative.

DE SASCHA HOMMER, ÉDITIONS ATRABILE, 128 PAGES. **

RÉCIT AUTOBIOGRAPHIQUE | L’adolescence est un peu le fonds de commerce de la BD indépendante. De Charles Burns à Max de Radiguès en passant par David B, ce boyau émotionnel voit défiler tous les adeptes de la spéléo narrative. Chaque auteur explorant ce sous-sol de l’existence à la lumière de sa propre expérience plus ou moins traumatisante. C’est encore le cas de Sascha Hommer, dessinateur allemand qui a fait son trou dans l’alternatif -il édite notamment Orang, l’équivalent teuton des revues Bile noire ou Lapin. Prenant sa source dans les profondeurs autobiographiques, son deuxième album traduit en français, Quatre yeux, retrace le chemin sinueux de son adolescence dans une petite ville de province. Rythmées par les ratés de sa vie sentimentale avec la dépressive Julia, les journées de Sascha ont le goût aigre de l’ennui et du tâtonnement affectif. Seule la drogue offrant une distraction à ce mal-être universel qui ronge l’âge ingrat comme la vermine le bois. Dans cet univers déserté par les adultes, le jeune homme se réfugie de plus en plus souvent dans les paradis artificiels, passant du soft au hard, du joint au LSD et autres champignons à la faveur des rencontres et des bleus à l’âme. Le point de non-retour semble atteint quand un trip se solde par l’apparition d’un chien anthropomorphe qui ne va plus le quitter, clean ou pas, et même prendre les commandes de sa vie désormais sous influence. Le tout est raconté en mode flash-back par un Sascha plus âgé et assagi dialoguant avec son compagnon d’infortune. La métaphore canine de l’addiction est l’une des réussites de ce récit intime graphiquement bien ficelé mais trop lisse pour nous remuer. L’ennui qui suinte des personnages guette finalement aussi le lecteur. Que quelques scènes d’hallucinations débridées parviendront tout juste à retarder.

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