Le fils de l’ours père

Un chasseur tue une ourse et recueille son petit, lui apprend à jongler et parcourt les villes pour se faire un peu d’argent. Tout va bien jusqu’à l’accident mortel, suite auquel l’homme finit en prison et l’on tranche une patte de l’ours.

De Nicolas Presl, Éditions The Hoochie Coochie.

www.thehoochiecoochie.com

La femme du chasseur s’occupe de celui-ci, si étroitement qu’il en naîtra un enfant à corps humain et tête d’ursidé. Une relation adultère qui se terminera dans le sang… Quelle place, en outre, notre monde réserve-t-il à une telle chimère? Et quel rapport peut avoir ce fils de l’ours père avec le chasseur, à la fois beau-père, meurtrier de son père et de son aïeule?

Difficile de croire qu’il s’agit d’une première oeuvre (ou presque). Bien sûr, on peut y reconnaître, parfois, quelque maladresse ou imprécision typique d’une production « du début », mais Le fils de l’ours père n’en impressionne pas moins par sa justesse, son inventivité et sa maîtrise, du trait comme des sentiments. Dans un noir et blanc souvent angoissant, le noir mêlant obscurité, sang et excrément au fil du récit, Nicolas Presl s’offre parfois des à-côtés abstraits, quasiment cubistes, joue sur les figures de base, notamment le cercle, pour construire ses cases en fonction de la narration même. Et l’on se surprend à refermer Le fils de l’ours père en avalant une grande goulée d’air, après avoir dévoré ces 232 pages en apnée… et en réalisant, seulement alors, que ce livre est totalement muet. Nicolas Presl a eu ce talent supplémentaire d’effacer tout mot de sa narration sans en faire un manifeste. Sans nous démontrer à chaque case sa virtuosité à répondre à cette contrainte.

Le titre, enfin, mérite qu’on s’y attarde. Le mot « père » paraît redondant, puisqu’il est déjà contenu en filigrane dans l’expression  » le fils de l’ours ». Manière de souligner l’absence de ce « père ours » à la patte tranchée, que l’enfant chimérique ne connaîtra jamais. Mais aussi la présence de ce « père chasseur », aux mains doublement sanglantes mais avec qui semble se nouer une vraie filiation.

Vincent Degrez

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