L’écrivain Michel Tournier, grande figure de la littérature française de la seconde moitié du XXe siècle, Prix Goncourt pour « Le roi des Aulnes », est décédé lundi à 91 ans, dans l’ancien presbytère où il vivait à l’écart des mondanités parisiennes depuis un demi siècle.
Michel Tournier est mort vers 19H00, entouré de ses proches, dans le village de Choisel, en région parisienne.
« On vivait 24 heures sur 24 avec lui, il ne pouvait plus rester tout seul depuis trois mois » en raison de son état de faiblesse, a déclaré à l’AFP son filleul Laurent Feliculis, que l’écrivain considérait comme son fils adoptif et qui était présent à ses côtés au moment de son décès.
« Il souhaitait être enterré ici », a indiqué Alain Seigneur, le maire de Choisel, commune de quelque 550 habitants où l’écrivain résidait depuis 1957. « Ce village, il en était un peu amoureux. Il avait choisi l’emplacement de sa tombe au pied d’un arbre ».
La disparition de Michel Tournier, cité pour le Nobel et largement traduit, seul auteur à avoir obtenu le Goncourt, le plus prestigieux prix littéraire français, à l’unanimité, a aussitôt suscité des hommages du monde de la culture.
« Dès demain, je ne pourrai plus répondre Michel Tournier à la question: quel est le plus grand romancier français vivant ? », a réagi sur Twitter Bernard Pivot, président de l’Académie Goncourt. Il « a rejoint ce soir les grands noms de l’histoire et des mythes dont il a été le génial romancier ».
+À nos coeurs rendus malades par le temps, l’oeuvre d’art apporte un peu d’éternité+. Merci Michel Tournier pour ce morceau d’éternité. RIP », a quant à elle tweeté la ministre de la Culture Fleur Pellerin, citant l’écrivain.
Ultime publication en juin
Dans un entretien au journal le Figaro publié en juin, l’écrivain jugeait son bilan « plutôt bon ».
« A la fin de sa vie, on peut évaluer sa vie à partir de six critères: le physique, la famille, l’époque, les amitiés, l’amour, la profession. Mon bilan est plutôt bon, avec même ce sommet professionnel que représente le prix Goncourt. Le point faible, c’est l’époque où j’ai vécu », confiait-il.
Michel Tournier, dont l’oeuvre s’inspire des mythes fondateurs qu’il avait renouvelés avec humour et acuité, était venu sur le tard à la littérature, à plus de 40 ans. « Ce que j’avais à dire était à la fois tellement secret et tellement essentiel que j’ai eu besoin d’une longue maturation pour publier quoi que ce soit », expliquait-il.
En 1967, il obtient d’emblée le Grand Prix du roman de l’Académie Française avec « Vendredi ou les limbes du Pacifique ». Il confirme, trois ans plus tard, avec « Le Roi des Aulnes », porté à l’écran en 1996 par Volker Schloendorff, puis en 1975 avec « Les Météores ».
Né le 19 décembre 1924 à Paris de parents germanistes, Michel Tournier était nourri de l’influence de l’Allemagne. Il avait étudié la philosophie à la Sorbonne et à l’université de Tübingen mais échoué à l’agrégation, ce dont il souffrira beaucoup.
De 1950 à 1968, il avait été traducteur, attaché de presse de la radio Europe 1, éditeur chez Plon, présentateur d’une émission télé sur la photographie.
Son oeuvre compte d’autres romans comme « Gaspard, Melchior et Balthazar » (1980), « Eléazar ou la source et le buisson » (1996, sur l’ancien testament), des recueils de nouvelles tels « Le Médianoche amoureux » (1989), des contes comme « Le Coq de bruyère » (1978), des essais comme « Le vol du vampire » (1981), des livres plus personnels comme « Le Vent Paraclet » (1977) ou « Journal extime » (2002).
Il avait publié une dizaine d’ouvrages sur la photo et participé avec Lucien Clergue à la création des Rencontres photographiques d’Arles (sud).
Il avait écrit pour les enfants, notamment « Vendredi ou la vie sauvage », adorant discuter de ses livres dans les écoles.
Sa dernière publication remonte à juin 2015: une correspondance avec son traducteur allemand Hellmut Waller menée depuis 1946.
Ancien membre du comité de lecture de Gallimard, il avait été de 1972 à 2010 juré Goncourt, fonction qu’il avait quittée pour raison de santé. Il avait été fait le 1er janvier commandeur de la légion d’honneur.