Francq vs Urasawa: quand deux géants de la BD et du manga se rencontrent

Philippe Francq et Naoki Urasawa lors du workshop "Que se passe-t-il lorsque la BD belge et le manga se rencontrent? Création et influence!" à Tokyo. © AFP/Kazuhiro Nogi
FocusVif.be Rédaction en ligne

Ils ont découvert le manga et la bande dessinée à l’âge de 4 ou 5 ans, en ont fait leur métier et ont vécu les mêmes refus de maisons d’édition avant de connaître les mêmes carrières spectaculaires: le Japonais Naoki Urasawa et le Belge Philippe Francq se sont rencontrés mercredi à Tokyo.

« Vous êtes un impatient, en fait, cela se voit dans votre dessin… mais moi aussi je le suis », lance Urasawa à son alter ego qui justifie: « c’est vrai que je casse beaucoup de plumes ».

Leur rencontre complice, un des événements en marge de la visite du roi des Belges au Japon, est en fait celle de deux mondes qui s’influencent, qui se croisent, mais qui ne se superposent pas, même si les points communs sont nombreux.

Urasawa: « J’ai rencontré le manga avec deux volumes de l’oeuvre d’Osamu Tezuka (le surnommé père du manga moderne). Je le lisais en me disant je n’ai jamais vu de livres pareils… j’avais 5 ans. Ensuite, je n’ai jamais vraiment voulu être mangaka, mais je n’ai cessé de dessiner. »

Pour Francq, dessinateur de Largo Winch traduit en 17 langues, « c’était Hergé, découvert à l’âge de 5 ans. Mon père avait tous les Tintin et ma mère me laissait les regarder. Mais chaque année j’ai remis en question le fait de devenir dessinateur, car j’avais une autre passion, la biologie. »

S’ils sont capables de discussions techniques à n’en plus finir, les deux notent des différences fondamentales entre le manga et la BD et chacun envie l’autre. À un Urasawa qui constate que « le rythme dans le manga et dans la bande dessinée est différent, on ne découpe pas les scènes de la même façon », Francq répond en louant cette liberté.

« On fait le même métier », vacances à part

« En manga, la longueur de l’histoire n’est pas définie à l’avance et cette longueur est terriblement pratique pour étirer des scènes qui font que le manga est éminemment humaniste et humain parce qu’il raconte et met en scène des personnages qui finissent par exister et des sentiments profonds qui tirent les larmes, ce qui est très rare et est généralement du ressort du cinéma. Cette qualité on aimerait la mettre dans la BD franco-belge mais on n’a ni le temps ni la place. »

Philippe Francq et Naoki Urasawa lors du workshop
Philippe Francq et Naoki Urasawa lors du workshop « Que se passe-t-il lorsque la BD belge et le manga se rencontrent? Création et influence! » à Tokyo.© AFP/Kazuhiro Nogi

Monster, Master Keaton, 20th Century Boy, Billy Bat…: Naoki Urasawa aligne une collection exceptionnelle de séries qui totalisent plus de 150 tomes en 30 ans de carrière. Il dit avoir dessiné « jusqu’à 130 pages par mois, ce qui est de la pure folie. J’adorerais ne faire que 10 pages par mois ».

Si le mangaka oeuvre avec plusieurs assistants, le dessinateur de BD, lui, ne fait appel qu’à un coloriste et si les deux ont certes des journées interminables, le Japonais, lui n’arrête jamais ou presque à longueur d’année. « Ce qu’il ne va pas comprendre évidemment, c’est que je prends 4 mois de vacances entre deux albums », confie Francq. « Si je me reposais autant, je ne pourrais pas recommencer à travailler. Après rien qu’une semaine au Nouvel an, j’ai déjà du mal à m’y remettre! », répond Urasawa.

« On a deux systèmes totalement différents, mais on fait quand même le même métier d’une certaine manière et quand je lis Urasawa, je n’ai pas l’impression de découvrir quelque chose qui vient d’une autre planète », conclut Francq qui se dit de plus en plus influencé par le manga et la série TV. « En art, il n’y a pas de concurrence entre auteurs, même si elle peut exister entre éditeurs. »

Reste que le monde culturel francophone en général et belge en particulier aimerait une place pour la BD au Japon qui se rapproche de celle du manga en France et Belgique où, avec quelque 13 millions d’exemplaires par an, le 9e art du pays du Soleil-Levant représente environ un tiers des ventes de la bande dessinée dans son ensemble.

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