Laurent Raphaël

L’édito: Douche froide pour la culture

Laurent Raphaël Rédacteur en chef Focus

La période très spéciale que l’on vit en ce moment nous aura au moins appris une chose, ou plus exactement confirmé ce qu’on savait déjà plus ou moins: la culture, celle dont en temps normal tout le monde jure la main sur le coeur qu’elle est un rouage essentiel de nos démocraties et qu’il est vital de la protéger, ne pèse plus très lourd dans la balance quand le navire économique prend l’eau.

Il est clair qu’à part les artistes déplumés, les acteurs de première ligne de la chaîne culturelle et quelques sympathisants, tout le monde se fout en ce moment de la survie des cinémas, des théâtres, des musées ou des librairies -du moment que les robinets Netflix et Amazon continuent à couler… La preuve, on rouvrira ces secteurs à la Saint-Glinglin, en tout cas bien après les magasins de bricolage ou les boutiques de prêt-à-porter. Cela en dit long sur l’importance accordée à l’activité intellectuelle et artistique dans notre pays. Car c’est évident, on a bien plus besoin aujourd’hui d’une nouvelle perceuse ou de renouveler sa garde-robe estivale que de se confronter à un discours singulier, décapant, porteur de sens ou simplement consolateur sur l’amour, la maladie, l’enfermement, la perte, la vieillesse ou la mort.

Et tant pis pour les espoirs de voir cet intermède forcé enrayer une logique collective suicidaire et servir de tremplin pour repartir sur des bases morales et éthiques plus saines. Un autre monde a semblé un instant possible, moins glouton, moins polluant, plus lent, plus local, plus durable. Le politique, qui s’est acoquiné de longue date avec le néolibéralisme, a manqué l’occasion sans doute unique de se racheter en rompant avec son indécente dépendance au culte du profit. Il aurait pourtant pu tirer parti de ce douloureux rappel à la réalité de notre fragilité pour rebattre les cartes en proposant un nouvel imaginaire. La culture, qui a l’habitude d’en labourer chaque centimètre carré, aurait pu être le levier de cette nouvelle dynamique utopique. Et même si cette route ne menait nulle part, elle ne pouvait pas être pire que celle qui nous a conduits aujourd’hui à la pandémie et qui nous mènera probablement demain à la catastrophe écologique…

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À la place, tout indique qu’on prend les mêmes et qu’on recommence. Pire, on ne s’embarrasse même plus de précautions oratoires. Le mépris et l’indifférence s’affichent ouvertement. Ce qui a au moins le mérite de nous épargner l’hypocrisie habituelle. Touffu, kafkaïen, bref indigeste, le plan de déconfinement présenté vendredi dernier à pas d’heure fait à peine mention de la culture. Même la pratique du kayak, sport national bien connu, a eu droit à plus d’égards que tout un secteur aux abois. Et on ne parle pas ici de la filière des petits pois en boîte mais de la colonne vertébrale de notre civilisation. Si l’on s’en tient à ce qui a été dit, les librairies et les galeries d’art pourraient rouvrir le 11 mai. Pas pour leur contribution à la beauté ou leur concours à l’élévation de l’âme, juste parce qu’elles sont une phalange parmi d’autres de la fameuse main invisible.

Quant aux musées, ils devront attendre le 18 mai. Pour les autres, les cinémas, les salles de concert ou les théâtres, qui posent d’évidents problèmes de sécurité -mais plus que les centres commerciaux ou les open spaces des entreprises, franchement?-, on verra plus tard, au mieux en juin, mais sans doute plutôt après l’été. C’est peut-être un détail mais qui est révélateur: si l’on s’en tenait aux seules précautions sanitaires, il serait plus logique d’ouvrir d’abord les musées où l’on touche les oeuvres uniquement avec les yeux que les commerces de détail où les mains se baladent, caressent, soupèsent. Reste que l’indifférence vaut sans doute mieux que la démagogie. Comme en Italie, où les librairies inaugureront le déconfinement, car le livre est un « bien essentiel » selon le gouvernement. Le même qui saigne à blanc le monde artistique depuis des années…

La double malédiction qui frappe la culture n’a donc pas fini de lui jouer des tours: assimilée à du divertissement, elle peine à être considérée comme un bien de première nécessité dans les moments critiques. Et vu qu’elle est abondamment subsidiée, ce qui est suspect dans une économie de marché, elle n’est pas prise au sérieux comme acteur économique alors qu’elle pèse pourtant des dizaines de milliers d’emplois et plusieurs points de PIB. Ars longa, vita brevis. L’art est long, la vie est courte…

1.0LE VIRUS POP
Tiger King, Godard, Bob Sinclar, Animal Crossing… Le corona, bien aidé par le confinement, a fait émerger de nouvelles figures pop, dont certaines déjà bien connues des services de police. Tentative d’inventaire.
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Home cinéma: Le cinéma divise l’écran
Home cinéma: La crise de foi de Divino Amor
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