Laurent Raphaël

L’édito: Black December

Laurent Raphaël Rédacteur en chef Focus

Bienvenue dans le mois le plus schizophrénique de l’année! Celui où l’on va dépenser sans compter d’une main ce que l’on a promis de ne plus gaspiller de l’autre. Celui où l’on va s’indigner du mauvais bulletin écologique un jour et exploser le compteur d’Alibaba, d’Amazon et autres supermarchés virtuels le suivant. Celui où l’on va se jeter sur les bonnes affaires aux empreintes carbones désastreuses lors des Black Friday et Cyber Monday -en attendant le Magic Tuesday l’an prochain?- et se désoler du manque d’ambition de la Cop 25. Celui aussi où l’on va manger du tofu et des légumes bio du coin le 23 et une bonne tranche de foie gras le 24…

On nous dira que c’est la tradition. Que ce n’est pas parce que l’apocalypse est à nos portes qu’on ne peut plus se faire plaisir. Surtout que consommer, quoi qu’on en pense, c’est bon pour le moral. Il n’y a même pas mieux pour faire retomber la pression, dissiper d’un coup le cafard qui repeint tout en noir. Si, il y a mieux: le sport, la lecture, les expos, la contemplation… Mais ces activités demandent un effort, une rupture, une mise à distance du système et de son redoutable pouvoir de séduction immédiat, alors qu’il est si facile de s’acheter un peu d’éternité, de jeunesse ou de beauté en mettant juste la main sur le dernier grigri à la mode. Le shoot n’est que de courte durée? Qu’importe, le veau d’or est doué pour nous inventer en permanence de nouveaux besoins qu’on ignorait 5 minutes plus tôt.

Bienvenue dans le mois le plus schizophru0026#xE9;nique de l’annu0026#xE9;e, ou0026#xF9; l’on va du0026#xE9;penser d’une main ce que l’on a promis de ne plus gaspiller de l’autre.

Ce qui est curieux, c’est que le climat anxiogène actuel, au lieu de nous inciter à plus de prudence, agit comme un accélérateur sur la consommation. Moins ça va, plus on lâche la bride. Il n’y a qu’à voir le monde dans les boutiques et le trafic sur les sites marchands. Un vrai raz-de-marée. Première hypothèse: une pulsion autodestructrice. Foutu pour foutu, autant en profiter. On ne peut l’exclure mais pourquoi ceux qui scient la branche sur laquelle ils sont assis continuent alors à faire des enfants, à acheter des maisons, bref à parier sur le futur? L’autre piste semble plus plausible: une erreur de programmation dans la nature humaine. Un bug qui nous conduit souvent à choisir le pire malgré les mises en garde ou les leçons du passé. On sait qu’un enfant a besoin de se brûler pour comprendre qu’il est dangereux de mettre sa main au-dessus de la flamme. Cette part d’inconscience égoïste, elle ne se dissipe jamais complètement, et ce ne sont pas les beaux discours et les appels vibrants à la responsabilité qui vont l’empêcher de nuire.

Pour éviter la migraine nauséeuse à la fin du mois, quand il faudra payer l’addition morale des fêtes, on vous propose un compromis honorable avec notre sélection de cadeaux culturels triés sur le volet, qui permet de concilier fièvre consommatrice et développement (intellectuel) durable. Au moins comme ça, pour citer le professeur Moustache, on mourra moins bête (même si on mourra quand même!).

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