Laurent Raphaël

BAC à ordures

Laurent Raphaël Rédacteur en chef Focus

Dans le hit-parade des pires coups de canif à l’éthique, le ripou côtoie le pompier pyromane, derrière le médecin abuseur et, bien sûr, l’instituteur pédophile.

C’est le genre d’info qui fait tache sur le CV de la démocratie: depuis des années, les patrouilles de jour de la BAC (brigade anti-criminalité) des quartiers nord de Marseille ne luttaient plus contre la criminalité galopante, ils trempaient dedans jusqu’au cou. Extorsion d’argent, trafic de drogue, racket… Les flics ripoux s’en donnaient à coeur joie et s’assuraient des fins de mois de fonctionnaire de… haut vol. La gangrène était tellement profonde que le ministre Manuel Valls a ordonné l’amputation complète du service. À la grande satisfaction sans doute des dealers du coin qui vont faire des économies sur les guetteurs. Du moins le temps de remettre de l’ordre dans le village des schtroumpfs. Dans le hit-parade des pires coups de canif à l’éthique, le ripou côtoie le pompier pyromane, derrière le médecin abuseur et, bien sûr, l’instituteur pédophile, mais loin devant la caissière de supermarché qui fait ses courses en douce. Les poulets faisandés, ça ne fout pas seulement les jetons, ça casse cette image ancrée dans l’enfance du justicier protecteur.

Mais il n’y a pas que dans le sud de la France que sévissent des Judas en uniforme. Dans le cinéma, ils pullulent comme des bulletins de vote de la N-VA. On ne sait pas si les vilains canards se sont inspirés de Braquo, la série télé d’Olivier Marchal, mais quand on voit apparaître un uniforme ou un brassard de policier à l’écran, une fois sur deux, c’est mauvais signe. Dans les films à l’affiche en ce moment se glissent d’ailleurs quelques beaux spécimens. À commencer par le marshal Joe Cooper (impénétrable Matthew McConaughey) dans Killer Joe, flic borderline qui fait des heures sup comme tueur à gage. L’inspecteur Dennis de la DEA dans le dernier Oliver Stone, Savages, incarné par un John Travolta sirupeux et véreux à souhait, n’est pas mal non plus dans le genre. Contre une petite enveloppe bien dodue, il couvre vos trafics en tous genres. De La soif du mal d’Orson Welles jusqu’à Nuit blanche de Frédéric Jardin en passant par Serpico de Sydney Lumet, Les ripoux de Claude Zidi, Les infiltrés de Martin Scorsese, Bad lieutenant de Werner Herzog ou Magnum force de Ted Post, le personnage du flic aux deux visages hante depuis toujours les cellules grises -à ne pas confondre avec les cellules de dégrisement…- des scénaristes. Les keufs de Marseille ont juste inventé la version chorale d’un genre qui se déclinait plutôt en mode solo. Quoique. En y réfléchissant bien, dans le dispensable À bout portant de Fred Cavayé, la corruption se pratiquait déjà à grande échelle sous la férule d’un Gérard Lanvin tout en mâchoire crispée. Pour une fois, la réalité ne dépassera donc pas la fiction. Allez, tous au poste!

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