Critique

Zero Dark Thirty

© DR
Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

THRILLER HISTORIQUE | En choisissant d’évoquer, « à chaud », l’enquête visant à retrouver Oussama Ben Laden et l’opération militaire menant à l’assaut de son refuge et à sa mort, Kathryn Bigelow ne pouvait ignorer qu’elle serait attendue au tournant, et qu’une très probable polémique s’abattrait sur son film.

THRILLER HISTORIQUE DE KATHRYN BIGELOW. AVEC JESSICA CHASTAIN, JASON CLARKE, JOEL EDGERTON. 2H37. SORTIE: 30/01. ****

Forte du triomphe aussi mérité qu’inattendu de son formidable Hurt Locker, la réalisatrice n’allait pas trembler pour autant, elle dont tout le cinéma démontre depuis ses débuts qu’elle n’a pas froid aux yeux. Mais de là à se voir accusée de propagande électorale au profit de la réélection de Barack Obama, et même dénoncée comme la sinistre égale de Leni Riefen-stahl, l’esthétiquement très douée mais moralement indéfendable cinéaste de quelques films de propagande à la gloire du Troisième Reich et de l’idéologie nazie! Le débat a pris une ampleur et une violence inédites, qu’alimentent la proximité des Oscars et les cinq nominations du film. Avec, chose rarissime, des appels directs au boycott des votes en faveur de Zero Dark Thirty parmi les membres de l’Académie regroupant les professionnels chargés d’élire les oeuvres récompensées par la fameuse statuette!

Montrer n’est pas prôner

Avant d’être objet de polémiques, Zero Dark Thirty est un très très bon film! Un tour de force cinématographique et dramatique créant un suspense intense à partir d’un récit dont l’issue est pourtant connue de tous. L’engagement stylistique de Bigelow, chevillée à son sujet et ne fermant les yeux sur rien (sur la torture, notamment, ce que d’aucuns lui reprochent), trouve son équivalent dans la formidable interprétation de Jessica Chastain, d’ores et déjà Golden Globe de la Meilleure actrice pour sa performance en femme de choc, convaincue de suivre la bonne piste remontant à Ben Laden et qui harcèlera collègues du renseignement, militaires et responsables politiques jusqu’à ce que la chasse au barbu criminel atteigne son but. Les attaques dont elle a fait l’objet ont poussé la réalisatrice à présenter sa défense, expliquant qu’elle n’est pas pour la torture (les imbéciles pensent que montrer, c’est forcément approuver!), et rendant hommage « aux Américains ordinaires, qui se sont battus avec courage, même s’il leur est arrivé de franchir certaines limites morales ». Une position lucide, que n’aurait pas reniée le cinéaste le plus admiré de Bigelow, le grand Howard Hawks. Il n’est pas lâche de renvoyer aux responsables le poids des décisions qu’ils prirent. Il n’est pas non plus odieux de ne pas condamner hypocritement l’élimination d’un artisan de la terreur, responsable de massacres innommables et ennemi des femmes. Il est très significatif pour Bigelow que Ben Laden soit tombé suite aux efforts d’une femme. Ceux qui ne veulent pas l’accepter (et qui accablent Bigelow de reproches qu’ils ne feraient pas à un homme) n’ont vraiment rien compris.

L’affichage de ce contenu a été bloqué pour respecter vos choix en matière de cookies. Cliquez ici pour régler vos préférences en matière de cookies et afficher le contenu.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content