Une vie en musiques: Ennio Morricone est décédé

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Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

Le génial compositeur italien est décédé ce lundi à l’âge de 91 ans. En 2018, il faisait l’objet d’un monumental recueil d’entretiens revisitant plus d’un demi-siècle de cinéma et de musique: revoici notre article en guise d’hommage.

Article initialement paru dans le Focus Vif du 22 novembre 2018.

Ennio Morricone compte, du haut des 522 titres que lui attribue sa filmographie sur IMDB, parmi les compositeurs de musiques de films les plus prolifiques. Il est aussi vraisemblablement le plus connu, lui dont pas plus la notoriété que l’inspiration n’ont connu de véritable éclipse depuis le mitan des années 60, lorsqu’il entamait une fructueuse collaboration avec Sergio Leone. Démonstration il y a quelques années encore avec The Hateful Eight, de Quentin Tarantino, un Oscar à l’appui. À tout juste 90 ans, et alors que sa tournée 60 Years of Music s’apprête à faire halte à Bruxelles (1), le Maestro fait l’objet d’un monumental recueil d’entretiens, conduits trois années durant par le compositeur Alessandro De Rosa. Est-ce la qualité de musicien de son interlocuteur? Toujours est-il que Morricone se livre ici comme jamais sans doute, l’ouvrage débordant de son travail pour le cinéma pour embrasser notamment son goût, toujours préservé, pour les expérimentations -il distingue la musique appliquée, « au service d’un autre art plus important » de la musique absolue, dépendant « totalement de la volonté du compositeur et dont l’idée de départ doit être dégagée de toute contrainte ». S’y ajoutent des éléments biographiques et autres considérations philosophiques, qui composent un corpus aussi fouillé que passionnant.

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Si l’important volet théorique peut paraître aride, le musicien y livre certaines clés de son art, sa morale et son éthique aussi. L’ouvrage lui permet par ailleurs de revenir dans le détail sur les collaborations qui ont fait sa légende, avec Leone, bien sûr, mais encore avec Pasolini, Argento, Malick, Joffé, Bolognini, Tornatore ou De Palma. Et de glisser au passage l’une ou l’autre anecdote étonnante -ainsi quand Elio Petri, lors de la première projection d’Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon, substitua aux musiques composées spécialement pour le film celles écrites pour L’Enfer avant la mort, laissant Morricone pétrifié avant de lui avouer lui avoir fait une blague…

Alessandro De Rosa a également sollicité le témoignage de différentes personnalités, musicologues, ou réalisateurs ayant travaillé avec le Maestro. On laissera donc le mot de la fin à Bernardo Bertolucci, cinq films ensemble dont 1900: « Je crois que Morricone a mieux compris que les autres la caractéristique fondamentale de la musique de film, une musique qui doit être à la fois permanente et fugace. D’un côté, une séquence, ou même carrément un film, ne fonctionnerait pas sans la bonne musique, et de l’autre, sans le bon film, les musiques finiraient elles aussi par être oubliées. Et pourtant, Ennio nous prouve régulièrement que sa musique peut remplir à elle seule les salles de concert du monde entier. » Un pied dans l’avant-garde, l’autre dans la culture populaire.

(1) Le samedi 24/11, au Palais 12.

Ennio Morricone, ma musique, ma vie. Entretiens avec Alessandro De Rosa. Traduit de l’italien par florence Rigollet. Éditions Séguier, 624 pages. ****

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